
Pages de com : « Peur(s) sur la com, la fin d’un monde » par Olivier Breton
C’est un fils de pub, patron d’une grande agence, mais aussi « l’honnête homme » de la publicité pour ses pairs. Son ouvrage décrit très bien la remise en question de tout son secteur : un monde qui pense être celui de la communication, ce qui nous interroge aussi. Un livre lucide sur des professionnels qui s’intéressent à « la chose commune ». L’occasion de nous départager justement, mais aussi de sentir ce qui nous lie. Et ce qu’on lit.
En fait cela fait des années que nos planètes sont sur la même orbite. Et pour être honnête, la leur est une géante. Gazeuse. Et ce n’est pas Olivier Breton, ni, avant lui, Jacques Séguéla ou Frédéric Beigbeder qui diront le contraire. La planète compublique serait-elle comme Encelade gravitant autour d’une Saturne de la pub, immense et agitée, entourée d’anneaux fascinants ? Ou plutôt une petite planète tellurique, dense et dure, chaude comme Mercure, et trop près du roi Soleil ? Nous sommes certainement sur des planètes différentes et, si nous répondons aux mêmes lois physiques, dans un même système, nous avons des natures différentes. Il y a la publicité, il y a la communication. Et la communication publique en est une forme exigeante et responsable. Sauf que, depuis plus de trente ans, il y a eu un glissement sémantique, que note d’ailleurs Yves Siméon, qui chronique l’ouvrage d’Olivier Breton pour CB News : « Avant, on disait publicitaire, maintenant, on dit communicant. » Mais alors, comment appelle-t-on les communicants (non publicitaires) désormais ?
Quand les publicitaires imaginent le monde de demain
Cet ouvrage est à mettre en perspective avec le prochain Communicator, le 10e, qui ressortira bientôt chez Dunod, cinq ans après la précédente version. Deux ouvrages qui agrègent dans le vocable « com » tout l’univers de la publicité, des marques et du travail de commercialisation des produits et des services. Une planète qui cherche à être en phase avec la société, pour mieux l’influencer, qui se prend au jeu et se pense comme un acteur du développement humain. Comme le dit encore très bien Yves Siméon : « On a tous souhaité que le travail fourni sur la raison d’être qui avait permis aux entreprises d’intégrer l’utilité et la responsabilité sociale soit un premier pas vers la construction d’un nouveau monde. Un monde où la communication crée du lien, nous aide à faire société. Tout le monde se lève pour Danette et pour ce nouveau monde. » Sauf que ce n’est pas à Adidas, Apple, Unilever ou, pire, Tesla de construire la société. Ils n’y font que produire des biens et des services, selon des règles fixées collectivement par les citoyens (en démocratie). Lorsque les publicitaires imaginent le monde de demain et proposent à leurs clients de pousser vers des changements, ce sont toujours des mouvements déjà engagés par d’autres (développement durable, égalité des sexes, etc.) et qui ne menacent pas le modèle économique dans lequel leurs clients évoluent, et pour cause. Il y a les servitudes de la pub. Et peut-être les publicitaires se voient-ils « communicants » pour tenter d’y échapper.
Les servitudes de la communication publique
Mais il y a aussi les servitudes de la communication publique, ne nous voilons pas la face. Et nous tentons souvent de nous y soustraire en parlant de notre fidélité à la vérité, à notre mission de service public. Mais tout cela en occultant notre « inféodation » à des majorités de gouvernance, certes démocratiques, mais qui ne sont pas neutres et pour lesquelles la communication ne devrait pas menacer leur assise idéologique. C’est pourquoi nous nous tournons vers une réflexion déontologique, pour déterminer des espaces de neutralité, des pratiques transparentes, des usages trans-partisans, des piliers communs et consensuels. Nous gravitons, finalement, autour du même trou noir avec ces néo-communicants dont parle le livre d’Olivier Breton. Cet ouvrage est un bel exemple d’analyse des dérives et mutations de nos métiers et des réflexions profondes qui nous traversent. L’auteur rappelle les professionnels à leurs responsabilités : « Seules une prise de conscience profonde et une nouvelle façon d’aborder nos savoir-faire redonneront ses lettres de noblesse à un métier dont l’objet reste de joindre la stratégie à la création dans un monde qui se noie dans la globalisation et la normalisation. » On adhère. Partant de là, cet ouvrage dit bien, de son point de vue, la contribution primordiale du monde de la communication à la « chose commune », à la « chose publique », essentielles pour faire société. Et la grandeur de cet objectif nous parle, évidemment.

Nous avons donc des choses à nous dire, à la manière dont nous avions engagé le dialogue grâce à la médiation de la Filière communication et de Mercedes Erra. Cette dernière était venue plaider cette responsabilité sociale des publicitaires en clôture du Forum Cap’Com de Toulouse en 2023 et elle y avait été fortement applaudie. Cela correspond bien à la conclusion de la chronique d’Yves Siméon (voir plus haut), qui appelle à créer « des espaces de débat, d’échange pour embarquer l’ensemble du marché dans une ambition commune ». Cap ?
Peur(s) sur la com, la fin d’un monde
Olivier Breton
Éditions INfluencia
180 pages
6 mars 2025