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Pages de com : « Porte-parole » par Camille Chaize

Publié le : 6 février 2025 à 07:18
Dernière mise à jour : 6 février 2025 à 12:17
Par Yves Charmont

Être porte-parole est une mission représentative du rôle du communicant public. Il y en a pourtant peu. Et c'est un métier éprouvant. Pour Camille Chaize, qui exerça cette fonction pendant cinq ans au ministère de l'Intérieur, il ne s'agit pas d'aller à la facilité, ni de faire preuve de complaisance mais plutôt d'exigence vis-à-vis de son institution. Ce qu'elle démontre au long de ces pages courageuses, entre réflexion éthique et introspection.

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Difficile de parler de nos métiers. Les communicants publics sont des femmes et des hommes de l’ombre. Et même des sorciers aux pouvoirs mal définis, souvent mal reconnus, mais encore plus souvent invités à agir. Y aurait-il une forme de schizophrénie entourant la communication, surtout dans son application à l’action et la gouvernance publique ? avec des professionnels qui composent, diffusent et gèrent une parole publique, sous toutes ses formes et en direction de tous les publics, tout en étant discrets, invisibles. Alors que, pour avoir leur expertise, diriger et soutenir la parole publique, ils doivent la maîtriser mieux que les autres, être sensibles aux mouvements d’opinion, sentir l’état de l’espace public, se mettre à la place de ceux à qui ils envoient les messages, comprendre l’action publique, écouter, éviter les quiproquos, etc. Le travail essentiel des porte-parole touche du doigt cet antagonisme. Et la situation est difficilement tenable.

Ne jamais mentir, pour ne pas mettre en péril la crédibilité de sa parole.

Il faut beaucoup de talent et, on le découvrira dans ce livre, des convictions et une éthique personnelle forte pour bien faire ce travail. Jeune commissaire de police, pleine de rêves et d’envies de servir la République, Camille Chaize se voit proposer le poste de porte-parole du ministère de l’Intérieur en 2019. Elle y passera cinq années à l’issue desquelles, après la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, elle sent qu’elle a « fait son temps ». Elle remet tout en perspective, dresse un bilan, de son action, de son utilité, des valeurs qui l’ont animée. Elle retient « le devoir de vérité ». Page 295 elle écrit : « C’est un des premiers trucs que l’on apprend quand on fait de la communication publique. Ne jamais mentir, pour ne pas mettre en péril la crédibilité de la parole de l’État, pour maintenir l’écoute de chacun et quelque part pour préserver le pacte démocratique et républicain. » Un mantra pour nous tous, à toutes les échelles de la vie publique.

Alors, forcément, son livre est une abomination, parce qu’elle n’aurait pas dû parler, parce que son visage lisse aurait dû disparaître dès que sa démission a été rendue publique. L’un et l’autre sont liés, comme cela fut révélé par Le Canard enchaîné mi-janvier : « Le ministère de l’Intérieur n’a plus de porte-parole : Camille Chaize, qui occupait ce poste depuis 2019, a sobrement annoncé son départ. En réalité, les syndicats de flics d’extrême droite et le RN ont eu sa tête. Ils n’ont pas supporté que la jeune femme, par ailleurs commissaire de police, balance ses quatre vérités dans un livre – sorte de journal de bord bien troussé fourmillant d’anecdotes, ainsi que de réflexions sur le sens de sa mission et la façon de servir l’intérêt général. »

Qu’en est-il des communicants ? Quelle éthique les guide ?

Son livre est aussi un magnifique don qu’elle fait aux milliers de communicants publics, mais aussi aux citoyens, à qui elle confie ses doutes, ses succès, ses réalités, ses réflexions et une vision éthique qui s’amorce dès les premières lignes. Après avoir cité les principes de déontologie journalistique, elle pose des questions qui résonnent tellement fort en ce moment : « Qu’en est-il des communicants ? Quelle éthique les guide ? Quels principes les animent ? » On applaudit des deux mains. Et on lit avec plaisir ces pages où elle parle de son combat qui « a été d’apporter de la nuance au débat public, de lutter contre la désinformation et d’instiller de la réflexion dans les polémiques ».

Le 20 janvier, Camille Chaize a donc annoncé qu’elle quittait ses fonctions dans un post LinkedIn : « À l’heure où s’apprête à sortir ce livre qui me ressemble tant, je dois, vous le comprendrez aisément, mettre fin à la mission de porte-parole du ministère de l’Intérieur qui m’a été confiée en décembre 2019. »
À très bientôt, Camille !

Porte-parole. Réflexions personnelles de la voix officielle du ministère de l’Intérieur
Camille Chaize avec des illustrations de Mathieu Sapin Éditions Novice
Témoignage
304 pages
Janvier 2025

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