Pages de com : « Requiem pour un temps révolu » par Guy Lorant
Comment résister ? Guy Lorant est un collègue, un fidèle, un membre du réseau. Et en plus, il écrit bien. Ce n’est pas son premier ouvrage, mais c’est le plus global ; comme une carrière en accéléré, une longue réflexion dans un livre court. Et ce monde, qu’il dit révolu, c’est quand même le nôtre. Merci du coup d’œil et des perspectives, Guy !
Alors évidemment, avec une plume comme cela, on comprend qu’il ait pu tracer la route, facilement, de rédactions en cabinets, jusqu’à des directions de la communication. On ne lâche pas ce petit livre nerveux et engagé. Il est à l’image de l’auteur : attachant. Avec ce regard planté dans le vôtre qui laisse à voir une exigence incorruptible. Ses mots, qu’il ordonne de façon modeste, lui permettent de dire sa vérité, et sa fierté. Il parle de ceux qui finissent par baisser les bras : « Ils deviennent souvent des aigris au lieu de devenir des révoltés. » Autant dire, parcours à l’appui, que Guy Lorant est un révolté.
C’est une quête qu’il décrit, une soif d’absolu d’abord, de justice ensuite et enfin de transmission. Il est lucide, il revient sur ses désillusions, sur des dizaines d’années de vie sociale, politique et de service public. Il mesure l’écart qui existe entre une gestion par une personnalité politique d’une agglomération et celle, par une autre personnalité d’un autre bord, d’une agglomération équivalente. Et il pense, finalement, qu’il n’y a pas tant de différences : « Ce sont des gestionnaires. Ce n’est pas nécessairement grave en soi. » Venant d’un grand dircom ayant exercé à Nantes, ces paragraphes pleins de sagesse donnent à réfléchir.
Cet homme des relations publiques, issu du monde du syndicalisme réformiste, décrit la genèse de ce nouveau métier, celui de communicant public, et de son champ d’application : le service public et l’intérêt général. À d’autres la mission d’inspirer, de travailler l’idéologie (et non le dogme), de mettre en mouvement la société. Lui, il prend son travail à cœur et innove avec les « Carrefours des citoyens » dès 2001, en avance sur ce que l’on a appelé ensuite la démocratie participative. Un sujet qu’il réexamine sans ménagement (il avait déjà publié Les Ambiguïtés de la démocratie participative chez le même éditeur en 2019). Son sens critique, il l’exerce dans son métier, il intervient, notamment dans le réseau Cap’Com. Il réfléchit sur le rôle du communicant public dans une société qui connaît des convulsions où il distingue cinq formes de crises (voir p. 80 à 85).
Guy Lorant continue sa quête. La société change, il observe le numérique et ses effets : « (…) les réseaux ont toujours existé, mais l’ampleur que leur confère la numérisation (…) a modifié complètement la donne. » Il voit émerger des idéologies de substitution, mais il ne perd jamais des yeux « l’exploitation, la domination et l’aliénation ».
Ce livre n’est pas tiède, il est bouillonnant, comme lorsque l’auteur fait le distinguo entre « être proche des gens » pour leur expliquer de façon claire des enjeux, et des opérations autour de la citoyenneté et de la proximité qui relèvent plutôt de la manipulation.
Le père de « Nantes passion » nous transmet dans ces pages sa passion. Il en oublie une bonne partie de sa vie (et les sacrifices qu’il a dû faire), ne gardant que l’essentiel, structurant sa réflexion autour de son parcours professionnel et des personnalités qu’il a côtoyées.
Requiem pour un temps révolu
Guy Lorant
L'Harmattan, collection Graveurs de mémoire
Juin 2022
114 pages