Aller au contenu principal

Piques et critiques sur la communication

Publié le : 2 juillet 2020 à 07:07
Dernière mise à jour : 2 juillet 2020 à 11:19
Par Alain Doudiès

Les critiques sur la communication publicitaire se développent et se structurent. La communication publique n’est pas épargnée. D’où une météo incertaine pour les temps qui viennent…

Dans les mêmes thématiques :

Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.

La salve la plus visible est venue de la Convention citoyenne pour le climat. Son objectif 2 est clair : « Réguler la publicité pour réduire les incitations à la surconsommation ».

Interdictions et régulations

Trois propositions en résultent.

  • « Interdire de manière efficace et opérante la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre, sur tous les supports publicitaires. »
  • « Réguler la publicité pour limiter fortement les incitations quotidiennes et non choisies à la consommation. »
  • « Mettre en place des mentions pour inciter à moins consommer. »

Ces « propositions » se concrétiseraient par des mesures drastiques : interdiction des panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs, notamment les affichages avec écran vidéo, ceci « hors information locale et culturelle » (ouf !), limitation des publicités sur l’espace numérique et interdiction du dépôt de toute publicité dans les boîtes aux lettres, à partir de janvier 2021. Nous verrons ce qu’il en sera. La « traduction légistique » de ces mesures, telle que la CCC elle-même l'analyse, souligne qu’« une interdiction générale et absolue de la publicité encourt un fort risque d’inconstitutionnalité ». Mais c’est tout un… climat de méfiance ou d’hostilité à toutes les formes de communication qui se traduit ainsi.

Comptabilisation et fiscalisation

La charge est plus brutale dans le rapport « Big Corpo – Encadrer la pub et l’influence des multinationales : un impératif écologique et démocratique ». Il est la résultante du programme de recherche et d’analyse SPIM (Système publicitaire et influence des multinationales), lancé en 2016 par l’association Résistance à l’agression publicitaire et piloté, depuis 2019, avec Les Amis de la Terre et Communication sans frontières (1).

Nourri par les apports d’universitaires et de 22 associations et organisations, ce travail peut susciter agacement ou rejet. Mais il met la barre haut : « Formuler une vision politique et stratégique globale des enjeux actuels de ce qui est indissolublement une “société de consommation” et une “société de communication”. » Le ton n’est pas celui de la polémique plate mais de la critique finement descriptive… sur 227 pages. L’analyse est solidement argumentée, comme avec le traitement de « l’éternelle question de la capacité d’influence sur les individus et la société ». Ou avec le constat que « la frontière historique s’amenuise à tel point qu’un phénomène plus profond de “publicitarisation” a pu être documenté dans divers médias français ». Tout cela ne nous concerne-t-il pas ?

À partir de l’état des lieux, cinq mesures sont préconisées :

  • plafonds de dépenses publicitaires pour lutter contre les oligopoles ;
  • comptabilisation des investissements publicitaires pour taxer les marques ;
  • refiscalisation du marché de la communication commerciale ;
  • réforme des aides à la presse pour réaffirmer le soutien au pluralisme ;
  • renforcement des voix singulières des associations citoyennes.

Plafonnement et encadrement

Bien qu’au premier coup d’œil éloigné de notre univers, ce rapport nous interpelle. D’ailleurs, la communication publique n’est pas un sanctuaire. Ainsi le « Manifeste pour une démocratie réelle », élaboré par les quatre rédactions (Lille, Lyon, Nantes et Toulouse) de Médiacités, la vise directement (2). Parmi les 25 mesures publiées avant les élections municipales, en figurent deux qui ont donné lieu, entre les représentants de Médiacités et Bernard Deljarrie, délégué général de Cap’Com, à un débat… « franc », comme le disent les communiqués des réunions diplomatiques. Médiacités n’y va pas par quatre chemins : « Plafonner les dépenses de communication (x euro maximum par habitant) pour prévenir les abus » et « Encadrer la presse territoriale afin de garantir un meilleur équilibre entre propagande institutionnelle et information ».

Ces revendications traduisent, probablement, une vision partielle, voire biaisée, de la communication publique. Mais elles expriment, de la part de journalistes, la défiance généralisée à l’égard de la « com » qui est celle de l’opinion publique, dans ses contradictions : « Haro sur la com ! » et « Bravo pour le site de ma ville ! », « Super, le magazine de mon département ! ».

Alors, pour nous, ces fortes tendances à contraindre et à restreindre la communication, simples nuages ou avis de tempête ? Scrutons attentivement le ciel, par exemple à Rennes, du 8 au 10 décembre. Il en va de nos métiers.


(1) Rapport complet (227 pages) – Synthèse (28 pages).
(2) Manifeste version courte  (5 pages) – Manifeste version longue (27 pages).