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Porter l’Europe dans les territoires

Publié le : 2 mars 2023 à 07:54
Dernière mise à jour : 19 avril 2023 à 17:14
Par Yves Charmont

Strasbourg s’imposait comme le lieu idéal pour parler de compublique à l’échelle européenne. Le 16 novembre dernier, lors du Forum, six interventions ont construit un panorama des enjeux de la communication dans et avec l’Union européenne.

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Photo principale : inauguration de la ligne 280 Erstein-Lahr, première ligne de bus publique et transfrontalière dans l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau, en septembre 2020. Crédit : © Olivier Claudel.

Article rédigé à partir des comptes-rendus de Malo Fortier et Guillaume Clery, étudiants en Master Communication, animation et innovation des territoires de l'Université Rennes 2, et Alexandre Arnould, Cyrille Macron et Guilhem Roux, étudiants en Master science politique parcours communication publique et démocratie participative de l’université de Lille.

La ville qui accueille le Parlement européen, mais également le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme, a donc inspiré des communicants publics venus de toute la France lors d’une conférence « hop » sur le thème « Les initiatives pour porter l’Europe dans les territoires ». Pilotée par Gaël Lecomte, présidente de WB Com (association belge francophone des communicateurs publics), cette session avait pour objectif de mettre en lumière des initiatives pour répondre aux enjeux de la communication sur et avec l’Europe, notamment dans des espaces transfrontaliers.

C’était également l’occasion de faire le tour des différents cas où la dimension européenne entre dans les projets des territoires et leur communication, de façon concrète. Et cela semble moins simple qu’il n’y paraît si l’on tient compte d’un début de défiance de la part des citoyens européens envers l’Europe politique, surtout en France, que le sondage Statista de 2022 place en tête des pays eurosceptiques : 53 % des Français ne feraient pas confiance à l’Union européenne. Comment l’Europe pourrait-elle apparaître plus utile dans les territoires ? Que peut-elle apporter de différent dans les stratégies de communication ?

Accompagner une ligne transfrontalière

Parmi les interventions, l’une concernait la communication sur les lignes de bus transfrontalières au sein de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau entre la France et l’Allemagne. C’est peut-être là l’illustration la plus simple des enjeux d’une communication internationale. Issu d’une véritable coopération entre deux territoires voisins, ce projet présente une forte dimension politique et pose la question de la multiplicité des publics cibles et des langues. Le projet a d'abord pris la forme d'une ligne de bus réservée aux employés transfrontaliers. La mise en place de la ligne de ce bus 280, plus communément appelée ligne transfrontalière Erstein-Lahr, s’est faite en 2020 après des études sur la mobilité des habitants et avec des partenariats avec les communautés de communes et les régions concernées. Le but était évidemment d’inclure les utilisateurs de la ligne, pour ainsi adapter au mieux les réponses aux besoins.

On peut qualifier la communication autour de ce projet de « classique », avec des visites organisées pour la presse des deux pays. Mais ce sont les usagers qui sont aujourd’hui au centre du dispositif, et qui, par leur mobilité, établissent une communication transfrontalière au quotidien. Enfin, ce qui semble vital pour Katrin Neuss, chargée de communication, presse et événements de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau, « c’est de mettre l’accent sur l’Europe. “L’Europe s’invente chez nous”, comme il est écrit sur le côté de ce bus, alors autant pousser à fond cette idée ! ». Ce projet n'en est qu'à son début, l'ouverture de plusieurs nouvelles lignes dans l’Eurodistrict est prévue.

Réunir des territoires

Restons dans les territoires transfrontaliers, mais cette fois avec le Luxembourg, pour parler d’Alzette-Belval. Ce territoire, composé de huit communes, est ce qu’on appelle une Opération d’intérêt national ou OIN. La France en compte 15. Et même parmi ses OIN, Alzette-Belval a une place particulière puisque, contrairement aux autres, elle ne se situe ni à côté ni dans une métropole. Cet espace présente plusieurs aspects urbanistiques, et pas uniquement celui de remettre à neuf un quartier.

Réussir à communiquer clairement sur une dimension européenne qui semble souvent lointaine et obscure.

En effet, ce territoire possède de nombreuses friches industrielles, mais aussi des zones à enjeux écologiques, et il englobe aussi bien des secteurs agricoles que des secteurs urbanisés. Enfin, et c’est là toute la spécificité de cette OIN, Alzette-Belval se fait en coopération avec un autre projet, celui d’Esch-Belval, situé... au Luxembourg.

La difficulté résidait aussi dans la manière de réussir à communiquer clairement sur une dimension européenne qui semble souvent lointaine et obscure. Ici, le problème était que beaucoup d’acteurs locaux ne comprenaient pas ce que l’Europe venait faire dans cette OIN. Il fallait donc travailler sur une meilleure compréhension de ce qui impliquait l’Europe en tant que partenaire – pas seulement comme espace géopolitique – et ce qu’elle allait faire pour revaloriser le territoire.

Pour réussir cela, la communication institutionnelle a choisi de prendre l’exemple de l'éco-quartier de Micheville et de travailler une pédagogie de projet. Sur une ancienne friche industrielle, le projet de rénovation en éco-quartier, composé d’un éco-parc, d’un pôle culturel et de 2 000 logements, bénéficie d’un financement Feder (Fonds européen de développement régional), qui représente « une aide non négligeable » pour Hélène Bisaga, responsable du développement de l’Établissement public d’aménagement Alzette-Belval. Elle explique que « pour faire connaître cette aide, il y eut la création de Be Europe en Grand-Est, qui permet de montrer les différents financements possibles et aussi de mettre en avant les projets réalisés grâce aux aides de l’Europe. Il y a cependant encore des progressions à faire, notamment sur la communication et la concertation ».

L’Europe à tous les étages

Cet aspect financement a justement été détaillé et expliqué aux communicants publics présents par Laurence Lapôtre, manager senior Algoé chargée du financement de l’innovation collaborative. Elle est revenue sur la richesse des différents programmes et appels à projets.

Pour espérer qu’un projet obtienne un financement, il faut savoir mettre en valeur ses partenaires et son territoire.

Une communication efficace « est toujours une étape indispensable pour espérer qu’un projet obtienne un financement, il faut savoir mettre en valeur ses partenaires et son territoire ». Réussir à saisir qui est la cible d’un financement spécifique et mettre en place une communication efficace pour atteindre cette cible tout en réussissant à l’éclairer pour le financeur, tels sont les défis de communication publique que doivent relever les dircoms des territoires qui s’engagent sur cette voie.

Mais les défis d’une communication internationale sont de natures plus variées encore. On imagine, par exemple, certaines démarches communicantes autour de la question linguistique. Comme à Liège, en Belgique, au sein du service de médiation interculturelle de l’hôpital de la Citadelle, service gratuit créé en 1998 et regroupant sept médiateurs (en plus d’un groupe interne de traducteurs bénévoles). Dans cet établissement sont recensées quelque 150 nationalités différentes, et parmi les 4 000 salariés de l’hôpital, ce sont 42 nationalités qui sont présentes. L'idée était donc de cibler les langues les plus courantes et de permettre aux patients, via une médiation, d'être mieux soignés. Leurs médiateurs se partagent donc une dizaine de langues (dont celle des signes), mais ces derniers n'étant pas à plein temps, le service médiation peut aussi compter sur un registre de bénévoles parmi les salariés de l’hôpital. En termes de communication, le travail du service revient à alimenter et entretenir ce registre ainsi qu'à communiquer aux patients comme au personnel de l'hôpital le fait que ce service existe et qu'il ne faut pas hésiter à le solliciter. Pour Laurie-Anne Barla, chargée de communication à l’hôpital de la Citadelle, « le prochain grand défi du service sera la traduction et l'élaboration de brochures accessibles au plus grand nombre ».

Europe, où es-tu ?

Enfin, d’autres aspects de la communication publique européenne ont été évoqués par Gaia Manco, responsable des projets d’engagement citoyen au Parlement européen, et par Julien Joxe, consultant. La première pour revenir sur les campagnes européennes cettefoisjevote.eu et ensemble.eu afin de resserrer le lien et l’engagement, depuis les élections 2019 à la communauté d’aujourd’hui. Le second pour une contribution finale présentée avec force et convictions : le projet Agénor. Il y revenait sur la mythologie grecque pour représenter les défis d’aujourd’hui, avec la figure d’Agénor, roi de Tyr, qui demanda à ses trois fils de partir à la recherche de leur sœur perdue… qui se nommait Europe !

Un réseau de compublique au-delà des frontières

Convaincu que les solutions et les exemples peuvent se trouver à d’autres échelles et dans d’autres pays, Cap’Com resserre ses liens avec les réseaux de communicants européens et internationaux. Pour en faire état, une infolettre de langue anglaise, Commonality, gratuite, a été lancée il y a un an.
Abonnez-vous et proposez à vos correspondants étrangers, communicants des villes jumelles ou partenaires, de s’y abonner également !

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