Pourquoi avons-nous tant de mal à le quitter ?
Les dernières Rencontres de la communication numérique de Cap’Com ont été une nouvelle fois l’occasion de débattre entre nous sur la pertinence ou pas de le quitter. Quitter qui ? X, voyons !
35 % des collectivités locales ont un compte sur X (anciennement Twitter) selon la dernière étude de l’Observatoire de la compublique numérique, dont les résultats ont été présentés aux dernières Rencontres de la communication numérique de Cap’Com.
Depuis quelques mois, un débat agite les collectivités actives sur X : faut-il ou pas quitter ce réseau social ? Après le rachat et le renommage de Twitter par le milliardaire Elon Musk, de nombreux utilisateurs s'insurgent des changements apportés au réseau social, notamment la gestion des badges de certification, la fin de la modération des posts polémistes, la restriction de l'accès à l'API et l'annonce d'un prochain abonnement payant…
La pertinence de la présence des collectivités sur les réseaux sociaux est une question qui se pose régulièrement, notamment pour Facebook. En tant que responsables de la gestion des réseaux sociaux, nous nous interrogeons souvent sur ce sujet.
Il existe plein de raisons pour renoncer à communiquer sur les outils de Mark Zuckerberg, Elon Musk ou du gouvernement chinois (TikTok) : morales, éthiques, financières… C’est d’ailleurs plutôt la posture défendue par Arthur Grimonpont lors des dernières Rencontres de la communication numérique de Cap’Com.
Selon lui, sur le plan d'une morale personnelle, il serait préférable de se passer des réseaux sociaux. Le biais généré par les algorithmes sur le débat public et les règles de fonctionnement de ces plateformes – imposées par des acteurs privés – vont en outre à l'encontre de l'intérêt collectif.
Un réseau incontournable
Et pourtant très peu passent à l’acte… À ma connaissance, seule l’université de Rennes 2 a publiquement annoncé qu’elle mettait son compte X en veille (sans le supprimer).
À l’instar de quelques collègues qui continuaient à s’interroger sur la posture à adopter, j’ai interrogé les community managers publics sur le groupe Facebook dédié. 55 d'entre eux m’ont répondu. De ce minisondage il relève que 39 % considèrent que X reste un réseau incontournable, qu’il est difficile de quitter. 30 % envisagent de fermer leur compte si un abonnement payant est obligatoire. 15 % pensent qu’il est trop compliqué de recréer une communauté sur un autre réseau.
Les jeux seraient-ils ainsi faits ? Quand un réseau est installé, quand une communauté est là, imaginer porter la parole ailleurs, où il est incertain de retrouver une audience équivalente, relèverait d’une douce utopie. C’est un fait aujourd’hui, l’écosystème créé par X (feu Twitter) n’existe pas ailleurs. Est-ce une fatalité ?
Au moment de clore les dernières Rencontres de la communication numérique, Romain Pigenel, directeur du développement des publics et de la communication d'Universcience (Cité des sciences et de l'industrie - Palais de la découverte), nous a convaincus du contraire.
Quand les dégoûtés s’en vont, restent les dégoûtants
Non seulement il est persuadé que les communicants publics ne doivent pas quitter les réseaux sociaux, mais qu’au contraire, nous devons les investir encore davantage. Il évoque pour cela plusieurs arguments.
- Parce que, face aux dérives constatées, la parole publique doit y être encore plus présente et occuper le terrain.
- Parce que les jeunes s’informent majoritairement via les réseaux sociaux et que cela ne changera pas avec l’âge.
- Les collectivités ne peuvent pas imposer aux usagers de s'informer sur un support en particulier. Elles doivent s'adapter aux supports qu’ils utilisent déjà. S’ils sont sur X, les collectivités doivent s'adresser à eux sur X.
- Enfin, parce que « quand les dégoûtés s’en vont, il ne reste que les dégoûtants », faisant référence à tous les propos nauséabonds que l’on peut y trouver.
Mais vous pourrez en découvrir davantage en visionnant son interview réalisée par Cap’Com.
Tout cela me rappelle un vieux souvenir : quand j’ai dû convaincre mon président en 2008, alors très sceptique, de l’intérêt de créer un profil Facebook pour notre communauté d’agglomération. L’argument qui avait fait mouche avait été : « Si nous n’occupons pas le terrain, d’autres s’y exprimeront à notre place. » Le lendemain, le compte était actif.
Finalement, nous nous posons toujours les mêmes questions, avec les mêmes solutions.
Illustration : création avec l’intelligence artificielle de ClipDrop et Stable Diffusion.