Presse : le vice et la vertu
Ah, comme ils sont pénibles, ces journalistes qui cherchent des informations hors des voies bien balisées que nous traçons !
Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.
Sacré recadrage ! Le maire de Nîmes vient d’adresser aux élus de sa majorité un courrier sur la « gestion des médias », une démarche portée par le cabinet et à laquelle la direction de la communication n'a pas été associée. Il rappelle fermement les règles : « Il est impératif de signaler les demandes des médias au Cabinet et à la Direction de la Communication. (…) Vous ne pouvez vous exprimer que si votre délégation a une actualité. Seul le Maire que je suis et, le cas échéant, le Premier Adjoint, ont vocation à aborder les sujets d’ordre général. (…) Toute utilisation exagérée ou néfaste (de l’information), sous couvert parfois d’anonymat, est, bien entendu, à proscrire. »
D’autres élus ont signé ou pourraient signer de telles injonctions, mises en garde et rappels sur qui est le chef. Voilà qui va clouer le bec aux élus qui sont prolixes, en solo. Silence dans les rangs ! Mais, ça se corse. Jean-Paul Fournier accuse : « Certains journalistes ou personnes travaillant pour un média agissent avec vice, en vous demandant de confirmer ou d’infirmer une information. »
La bonne distance
Vérifier une information, un des fondamentaux du bon journalisme, serait donc un « vice ». Voilà qui ne va pas faciliter la tâche des communicants chargés des relations presse ! D’autant plus qu’une de leurs fonctions est, à la fois, de promouvoir et de défendre l’institution auprès des rédactions, et d’expliquer le journalisme et de plaider pour les journalistes auprès des élus. Cela, non pas pour susciter la connivence, mais, dans un double mouvement vers les uns et vers les autres, pour donner place à une mutuelle et saine compréhension. Avec un impératif : garder la bonne distance.
Pour autant, les journalistes sont-ils vertueux ? Ils peuvent être incompétents et superficiels, prompts à chercher la petite bête. Certes. Cherchent-ils à nuire ? Rarement. Ils cherchent l’info. Voilà le ressort de leur cueillette méthodique, tout simplement. Y compris par des chemins de traverse, hors de la route bien tracée que nous voulons ouvrir sous leurs pas. Plus que leur solidité… variable, importe d’abord leur légitimité de contributeurs à la vie collective et au débat public. La légitimité des communicants publics lui fait écho, dans une « relation presse » souvent féconde, parfois difficile. À chacun son métier, ses objectifs, ses contraintes, ses raisons d’être. Dans le chaos informationnel actuel, chacun dans ses propres responsabilités, nous avons tout intérêt à avoir partie liée avec des professionnels.
À la fin de son courrier, le maire de Nîmes l’admet : « La presse est un truchement indispensable à l’explication de nos actions publiques. » Bien ! Il en déduit une autre consigne : « Nous devons avoir de bonnes relations avec les journalistes. » Tiens donc ! Cela passe par une authentique considération à leur égard, par principe. Et non par de la méfiance pour des vicieux, du mépris pour des galeux.
Petits signaux
Toutefois, ne poussons pas de cris d’orfraie excessifs sur ce qui apparaît, à Nîmes ou ailleurs. Mais restons vigilants sur ces petits signaux négatifs. Élu, communicant, citoyen, à chacun de garder en tête que la liberté de l’information, même quand elle gêne ou agace, surtout quand elle irrite, est une des manières d’évaluer la qualité de la démocratie et une de ses expressions.
Trop alarmiste, trop grandiloquent, ce rappel ? En tout cas, ouvrons l’œil.