Presse territoriale : les femmes à leur juste place ?
Dans l’ours et dans les colonnes des magazines, l’égalité entre les femmes et les hommes est-elle visée et est-elle acquise ? Voici quelques pistes de progrès…
Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.
Les collectivités territoriales, îlots de vertu dans un océan de machisme, et, dans leur pilotage et leur contenu, leurs publications, modèles de l’égalité entre les femmes et les hommes ? Pas sûr ! En tout cas, on peut examiner la situation et identifier de souhaitables progrès.
Une féminisation massive
Avec plaisir… ou dépit, vous l’avez constaté : la féminisation de nos métiers est continue depuis quelques années. Elle est même puissante, à en juger par le récent Forum de Cap’Com : près de 70 % de participantes et plus encore parmi les nouvelles et nouveaux Cap’Commiens. La jeune garde est massivement féminine. Il serait éclairant d’y voir de plus près en examinant les causes de ce phénomène, la proportion de femmes dans les différents postes d’encadrement, entre autres à la tête des rédactions, et les effets de cette mutation sur la production.
En attendant cette possible étude, le « Rapport annuel 2020-2021 sur l’état du sexisme en France », publié le 18 novembre par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, nous donne d’utiles points de repère. Un chapitre est consacré à « La place des femmes dans les organisations et les contenus de la presse écrite ». Passons rapidement sur le diagnostic (« La presse généraliste : des avancées timides, une presse toujours inégalitaire » ; « La presse féminine : des avancées laborieuses et des progrès disparates »). Et examinons « les leviers pour améliorer la place des femmes », dont le monde des collectivités locales peut, en partie, s’inspirer.
Une série de « recommandations » concerne des pratiques dans les ressources humaines. Parmi elles : un « index égalité » pour mesurer les écarts de rémunération et la part des femmes aux postes de responsabilité éditoriale, la mise en place de tandems mixtes à la rédaction en chef, la féminisation des titres et fonctions. Remarquons au passage que, parmi nous, beaucoup de « chefs de projet » sont des cheffes.
Bonnes pratiques et autres idées
Attardons-nous sur d’autres préconisations qui portent sur les contenus. Ainsi, la charte de bonnes pratiques du Figaro mérite d’être citée. Elle préconise notamment d’user du masculin et du féminin pour marquer la mixité, de présenter intégralement l’identité des hommes et des femmes, de ne pas réserver aux femmes les questions personnelles et les descriptions, et de « tenter d’équilibrer le nombre de femmes et d’hommes » figurant dans les articles.
Pour donner davantage de place aux femmes, en particulier quand sont requis ou recherchés, à l’extérieur de la collectivité, voire à l’intérieur, des propos appuyés sur une compétence particulière, on peut compter sur le site Les Expertes. De même, le club de la presse du Languedoc-Roussillon a réalisé en 2016 un annuaire papier comportant plus de 300 femmes spécialistes dans 19 domaines « pour enrichir le débat ». Une nouvelle édition est en préparation.
Immémorialement, le sexisme se fond dans le paysage, se niche ici et là. Pour l’évacuer, une vive attention s’impose. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes avance une autre idée : créer, au sein de la rédaction, un poste de gender editor, responsable de la mise en œuvre d’outils (chartes internes, outil de comptage) et « vigie d’un traitement plus égalitaire de l’information ».
On m’objectera que ces propositions pour les médias privés ne sont pas applicables aux publications institutionnelles, que le système est différent. En tout cas elles indiquent des pistes de progrès. À nous de voir si elles peuvent être empruntées. De plus, d’autres obstacles freinent l’égale représentation des femmes et des hommes dans les journaux des collectivités : la proportion de femmes élues. Certes elles sont 42 % au total, mais il y a 31,6 % de présidentes de région, 20,2 % de présidentes de département, 19,8 % de femmes maires et seulement 11,4 % de présidentes de conseil communautaire (1). Assurer la parité quand il s’agit de donner la parole aux élu.e.s, nous en sommes loin.
(1) Bulletin d’information statistique de la direction générale des collectivités locales – Août 2021.