Réenchanter les espaces publics en 6 étapes
Qu’ils soient résidentiels, commerçants, économiques ou encore touristiques, comment mettre en convivialité et en attractivité les lieux publics pour répondre aux nouvelles pratiques des usagers ? Pour Vincent Gollain, directeur du département économie de l'Institut Paris Région, il faut agir sur les valeurs de l’expérience proposée à ses publics et ses habitants en mettant toutes les parties prenantes du territoire autour de la table. Il propose une méthode en six étapes qui place l’expérience utilisateur au cœur du débat.
Croiser les approches marketing et techniques
« Les urbanistes, les ingénieurs, tous ceux qui fabriquent la ville, l’aménagent ou la rénovent ont des approches techniques très intéressantes. Mais ils communiquent finalement peu avec les communicants et les marketeurs qui travaillent sur l’attractivité et l’image des territoires », a constaté Vincent Gollain dans le cadre de ses fonctions au sein de l’Institut Paris Région. « Aujourd’hui la forte évolution des usages dans les territoires nécessite de croiser ces deux regards. »
Fort de ce constat, ce spécialiste de l’attractivité, des territoires et de l’urbanisme a développé une approche qu'il est venu présenter aux communicants lors des dernières Rencontres du marketing territorial à Annecy. Sa méthode, qu'il détaille dans un dossier d'expert Territorial Éditions, s'appuie sur le rapprochement de ceux qui œuvrent à la mise en « convivialité » avec ceux qui travaillent sur l’« attractivité » pour réenchanter les espaces publics tant pour les habitants que pour les visiteurs, les touristes, les investisseurs, etc. « Réenchanter », un terme qu'il a volontairement préféré à « réinventer ». « Souvent la réinvention donne l’impression de repartir de 0, alors que l’idée est plutôt de partir de l’existant, des usages, et d’essayer de voir comment faire mieux pour satisfaire les besoins des usagers. »
Retrouver l'espace public : une conférence au Forum de Rennes
Le communicant public a bien un rôle à jouer dans la valorisation et l'animation de l'espace public. Ce sera l'objet d'un grand angle mercredi 8 décembre à Rennes.
En s’appuyant sur les notions d’hyper-lieu ou d’hospitalité de l’espace public, l’urbaniste Chantal Deckmyn et le géographe Michel Lussault livreront des clés très pratiques à l’usage du communicant public en quête d’animation locale et de cohésion. Leurs propos seront appuyés sur l'expérience d'Erwan Lecœur, sociologue, et Laurent Riera, directeur de la communication de la ville et de la métropole de Rennes.
L’expérience et le parcours client au cœur du dialogue
Ces usagers doivent être placés au cœur de ce travail de réenchantement : « Ce n’est pas parce qu’un territoire investit dans la communication et dans la rénovation que les utilisateurs vont suivre. L’expérience vécue ou perçue peut être parfois bien différente de celle proposée. Et cela se voit avant même l’arrivée sur le territoire. » L’expérience client se mesure aujourd’hui aussi sur internet où l’utilisateur entre en relation et en interaction avec le territoire et commence son parcours. « Il est important de bien comprendre l’usager et ses aspirations tout au long de son parcours en ligne et in situ, et d’identifier les éventuels points de friction à adresser. »
Agir sur cinq éléments-clés de l’espace public
En parallèle de cette nécessaire compréhension des besoins et aspirations des utilisateurs, Vincent Gollain propose d'appréhender le lieu public défini comme un site, géographiquement délimité, qui accueille des personnes et des animations à travers cinq éléments caractéristiques :
- une identité ;
- un décor physique (commerces, restaurants, équipements publics, etc.) ;
- des espaces ouverts de propriétés publiques ou privées ;
- des événements et activités ;
- et enfin des services physiques et digitaux.
Un réenchantement en six étapes successives
Cette grille de lecture, baptisée IDEES, rassemble les thématiques-clés utilisables à chacune des étapes d’enchantement d’un espace public. Vincent Gollain en définit six, et précise, pour chacune, les interventions possibles pour les marketeurs et communicants territoriaux.
1. Se préparer
C’est une étape que les marketeurs connaissent bien. Passer un peu de temps à voir comment des marketeurs et des communicants d’un côté, et des urbanistes, des ingénieurs transports, des écologues, etc., de l'autre peuvent travailler ensemble pour réenchanter une destination. Quelle approche ? Comment placer les utilisateurs au centre ? Utiliser les mêmes mots et, derrière ces mots, le même sens que l’on veut donner ? Une étape sur laquelle on passe un peu de temps, mais qui s’avère très constructive et qui apporte à chacun beaucoup de choses.
Exemples d’interventions pour les marketeurs territoriaux :
- esprit marketing ;
- mobilisation d’acteurs locaux et publics cibles ;
- management de projet.
2. Observer les expériences des publics
La compréhension des usages est primordiale. Elle passe par l’observation des comportements. De loin, en se baladant avec un appareil photo pour capter l’usage que font les individus à pied, en voiture, etc., en fonction des espaces publics concernés. Ou de plus près, en organisant des marches sensibles avec des usagers munis de carnets, ou de dispositifs numériques, en les faisant réagir sur une carte, etc.
Exemples d’interventions pour les marketeurs territoriaux :
- méthodes marketing (personas, parcours client, études, etc.) ;
- animation ;
- enquêtes.
3. Générer des idées nouvelles
Cette phase d’idéation s’appuie sur les nombreuses techniques existantes (dessin, arbre d’idées, cartes, etc.) pour susciter des idées. Une étape qui peut conduire à dresser dans un premier temps une liste au Père Noël que l’on va ensuite filtrer en regardant les contraintes de moyens, de cohérence aussi, etc.
Exemples d’interventions pour les marketeurs territoriaux :
- méthodes marketing (personas, parcours client, études, etc.) ;
- animation ;
- enquêtes.
4. Définir la stratégie de réenchantement du site
Une étape pour faire des choix stratégiques : quelle est votre ligne directrice ? Quel est l’équilibre recherché entre, par exemple, des usages d’habitants, de touristes ?
Exemples d’interventions pour les marketeurs territoriaux :
- vision stratégique ;
- positionnement marketing ;
- ciblage.
5. Tester et ajuster la nouvelle expérience proposée
La ville idéale ne se produit pas du jour au lendemain. Il faut faire des tests pour valider que l’expérience proposée sur le terrain fonctionne avant de la concevoir en « dur ». À l’instar de ces chaises en libre service dans les grands parcs parisiens pour regarder comment elles sont utilisées, déplacées, etc., dans les espaces publics, on peut d’abord observer comment les usagers vont utiliser les chaises, les food trucks, les transports, se rendre dans une zone d’activité et voir si cela fonctionne.
Exemples d’interventions pour les marketeurs territoriaux :
- enquêtes ;
- mobilisation de partenaires privés ;
- « diplomatie locale ».
6. Valoriser et entretenir l’expérience créée
Retour au métier de base de la communication et du marketing pour cette dernière étape. Car ce n’est pas parce qu’on a réenchanté un lieu que les usagers potentiels vont le savoir. Tout le travail consiste à valoriser cette nouvelle expérience créée auprès des cibles visées.
Exemples d’interventions pour les marketeurs territoriaux :
- politique de marque ;
- marketing mix ;
- plateforme d’expérience.
Cette méthode en six étapes permet de partager, manager et enrichir son contenu de marque en rapprochant le travail sur la convivialité locale et celui sur l’attractivité extérieure. En un mot, en travaillant sur la « conviviativité ». Par ce terme, qui mixe les mots convivialité et attractivité, Vincent Gollain désigne la capacité d’un lieu public à attirer des personnes, faciliter les échanges réciproques entre elles et créer un sentiment de bien-être. Un enjeu commun à ceux qui œuvrent à l'amélioration de l'espace public.
Crédit illustration principale : Vincent Gollain, 2019.