Saint-Étienne expérimente l’utilisation de l’intelligence artificielle pour sa communication
La direction de la communication et du marketing territorial de la ville de Saint-Étienne a créé le visuel de sa dernière campagne sur la nature en ville à l'aide de l'intelligence artificielle (IA). L'expérimentation alimente la réflexion du service sur l’intégration des outils de l’IA dans le processus créatif.
« C’est un sujet d’actualité. Il faut prendre le train en marche », argue Olivier Barbé, directeur de la communication et du marketing territorial de la ville. Et le train de l'IA roule à grande vitesse sur les cendres encore chaudes du métavers. Quelques mois après leur apparition, les nouveaux logiciels d’intelligence artificielle générative, capables de créer des textes, des images, et autres médias, s’installent dans les agences de communication, et les premières campagnes conçues avec l’IA sont lancées : Undiz, Martini, Hyundai... Dans le secteur institutionnel, la salle d'opéra La Monnaie de Bruxelles ouvre la voie en mars 2023. Elle fait appel à ChatGPT et Dall-E, pour illustrer la thématique de sa saison 2023/2024, « There will be fate », qui invite à interroger notre rapport au destin, à la création et au champ des possibles.
Midjourney et ChatGPT testés sur une campagne de compublique
Avec cette même idée de questionnement, le responsable de la communication externe et les infographistes de la direction de la communication de Saint-Étienne ont pris part en interne à des ateliers autour de l’intelligence artificielle et à une expérimentation in situ. « Nous avons demandé aux infographistes de travailler simultanément sur ces plateformes d'IA pour concevoir une campagne de valorisation de nos parcs et jardins à l’arrivée des beaux jours », explique Olivier Barbé. Sur la base du brief des chargés de com, les créatifs ont décrit le visuel qu’ils souhaitaient créer au générateur d’images Midjourney, et sollicité ChatGPT pour générer le texte de l’accroche. Il a fallu de nombreuses propositions avant de trouver celle qui convienne et la retravailler pour concevoir le visuel final. « Force est de constater que les résultats proposés ne sont pas toujours en cohérence avec les objectifs et les intentions de communication ou avec la lecture qui pourrait en être faite. » Une mention est apposée sur le côté du visuel choisi, un écureuil à vélo dans un parc, indiquant l’utilisation de l’IA pour la création de la campagne.
Déployée en affichage du 17 au 31 mai, la campagne ne suscite pas de remarques spécifiques de la part des habitants. « Quelques jours après le lancement nous avons communiqué sur nos réseaux en print sur cette expérimentation », complète Olivier Barbé. « Nous avons eu des réactions positives par rapport à notre démarche, mais aussi des retours interrogatifs des professionnels, communicants, photographes, graphistes, qui se questionnent comme nous sur l’intégration de l’IA dans le processus créatif. » La campagne a atteint un de ses objectifs : susciter le débat parmi les professionnels locaux du secteur. L’objet de la communication – le rapport à la nature dans les zones urbaines – a d’ailleurs été choisi dans cette optique : permettre aux communicants de se projeter sur une problématique de communication partagée par de nombreuses collectivités. « Nous avons voulu voir jusqu’où l’IA peut nous emmener sur un sujet récurrent sur lequel il n’est pas évident de se renouveler. »
Au-delà de l'utilisation de l’IA, il s'agit de questionner l'apport de ces outils et leurs impacts positifs ou négatifs dans le processus de production des communicants. L'IA est-elle un moyen supplémentaire à notre disposition ? Ou son impact sur notre travail est-il plus important ? Nous fait-elle gagner du temps ? Si oui, comment ce gain de temps modifie-t-il le fonctionnement du studio avec le reste du service communication ?. Les graphistes, du studio de Saint-Étienne, toutes générations confondues, ont trouvé un intérêt à ce questionnement. « Nous leur avons demandé de faire le point en toute objectivité sur cette première réalisation. Une deuxième campagne va être réalisée avec l’aide de l’IA pour continuer l’expérimentation autour de l’image, avec un test sur une illustration. »
Les prochains professionnels que nous recruterons dans nos services auront déjà l’outil en main.
« L’idée sous-jacente, c’est que l’organisation publique ne perde pas de temps à intégrer l'IA dans la réflexion sur ses processus de travail. Ça va très vite. L’intelligence artificielle est déjà intégrée à nos outils de production. » Photoshop et Illustrator proposent des fonctionnalités de Firefly, le générateur d’images créé par Adobe, que Marc Cervennansky, responsable numérique de Bordeaux Métropole a d'ailleurs déjà testé. « Les prochains professionnels que nous recruterons dans nos services auront déjà l’outil en main », ajoute Olivier Barbé. Pour le dircom, la question de l’interdiction de ces outils ne se pose pas autant que celles du contrôle sur ces outils, du cadre législatif, du droit d’auteur, de l’éthique et de la déontologie. « Alors que le secteur marchand se saisit largement de ces outils, il faut s’emparer rapidement du sujet pour ne pas se retrouver sous la vague. »