Senior dans la compublique : stop ou encore ?
L'expérience ne vieillit jamais... mais à 50 ans passés, peut-on se sentir dépassé ?
Par Marc Cervennansky, responsable du centre web et réseaux sociaux de Bordeaux Métropole.
Quand j’ai commencé ma carrière dans la communication publique au milieu des années 1990, nous avions un élu à la com, qui, à l’époque, était le seul au sein de la collectivité à croire en l'avenir du web. Notre directeur n’avait même pas d’ordinateur dans son bureau.
Un matin, l’élu en question vient me voir et me déclare avec assurance : « Tu es le plus jeune de la direction, et tu comprends ce que je dis. C'est toi qui vas t’occuper du site web que nous allons lancer. » Voilà.
Aujourd’hui, je suis le plus âgé dans la direction de la communication (j’ai changé de collectivité entre-temps). À plus de 50 ans, est-ce que j’y comprends toujours quelque chose ? J’ose espérer que oui.
Cela vous fait peut-être sourire, mais la question est sérieuse. Pourquoi ?
Alors ici je ne parle plus de mon expérience personnelle, mais j’observe ce qui peut se passer pour certains collègues de ma génération, ou un peu plus âgés, dans différentes collectivités.
Et je me dis qu’il y a un sujet jamais débattu jusqu’à présent au sein du réseau Cap’Com.
Un gâchis de compétences qui pose question
Le paradoxe est saisissant : alors que les collectivités peinent parfois à recruter de jeunes diplômés, dont certains plus préoccupés par le nombre de jours de télétravail que par les enjeux territoriaux, ces mêmes collectivités poussent leurs communicants expérimentés vers la sortie. Un gâchis de compétences qui pose question.
Car oui, être senior en communication publique aujourd'hui, c'est avoir traversé et maîtrisé toutes les mutations du métier : décentralisation, révolution numérique, réseaux sociaux, gestion de crise, défiance citoyenne vis-à-vis de la parole publique... Une expertise précieuse qui se heurte pourtant à des réalités brutales.
À 50 ans passés, certains se retrouvent en conflit avec leur supérieur hiérarchique plus jeune, ou encore l’élu référent. Les divergences d’opinions sont inévitables, et les réorganisations viennent parfois ajouter de l’huile sur le feu. Quand ils ont passé vingt ans à porter des projets de communication dans une collectivité, difficile pour eux de voir leur expertise remise en cause.
Avec l'ancienneté vient aussi la question de la rémunération, parfois perçue comme un frein à la mobilité professionnelle. La masse salariale devient un point de crispation pour les élus, d'autant plus que les profils moins onéreux ne manquent pas.
On en vient à se demander si l’expérience, finalement, est toujours un atout.
Il s'agit de valoriser une complémentarité évidente
Mais réduire les seniors à un coût ou à une présumée résistance au changement, c'est oublier leur plus grande force : leur capacité d'adaptation. Ces communicants ont su réinventer leurs pratiques à chaque révolution technologique, à chaque nouvelle mandature. Qui peut en dire autant ?
L'enjeu n'est pas de défendre une génération contre une autre. Il s'agit de valoriser une complémentarité évidente : l'audace des juniors associée à l'expérience des seniors. Une alliance qui fait la richesse de nos métiers.
Rester force de proposition plutôt que simple observateur n’est pas qu’une option. Les communicants seniors ont traversé les réformes, les mandatures, les alternances, et ils sont toujours là.
Comment rester un acteur clé dans une équipe en perpétuel renouvellement ?
Si vous vous sentez concerné, venez partager votre expérience, vos idées et vos questionnements lors du tapis de paroles le 12 décembre au Forum Cap'Com de Lille.
Illustration : junior vs senior, généré avec l’IA sur fluxpro.art.