TikTok : quand la com échappe à la Com
Véritables stars sur TikTok, ces agents du service public viennent bousculer les habitudes et la manière dont peut être perçue une entreprise ou une collectivité. Un danger ou une opportunité pour la communication publique ?
Par Marc Cervennansky.
@cervennansky
Ils ont eu droit à un podcast chez les Supernatifs (« Toute l'actualité socialmedia servie sur un podcast »), à un article dans la vénérable Gazette des communes et même à des reportages télévisés sur TF1 ou la télé espagnole. Ils sont suivis par plusieurs centaines de milliers d'abonnés, à rendre jaloux leur employeur. Qui sont-ils ? Des agents du secteur public qui n'hésitent pas, avec talent, à se déhancher face cam pour raconter leur métier au quotidien sur TikTok.
Alors que la plupart des services communication osent à peine s’interroger sur l’opportunité d'investir ou pas ce réseau social, des agents, à titre individuel mais avec leur statut professionnel, ont sauté le pas, avec un succès plus que notable.
Là où les quelques institutions ou personnalités politiques qui se sont frottées à TikTok peinent à convaincre, en voulant paraître « jeuned » sans l’être, des employés ont su comprendre et s’approprier les codes et les modes de fonctionnement du réseau : challenges, chorégraphies, play-back de chansons ou blagues récurrentes.
Ce qui fonctionne ici, c’est la spontanéité. Une caractéristique qui s'accorde mal avec une stratégie de communication classique.
Nous parlons ici de Sydia, alias Sidoustandup, chauffeur-livreur pour La Poste. 241 000 abonnés au compteur.
Outre ses qualités de « livreur de qualité supérieure », le personnage est clairement doué d’un sens de la mise en scène de son travail quotidien. Il relate avec humour tous les aléas du métier. Et il s’agit bien ici d’une initiative personnelle et pas d’un dispositif de communication mis en place par La Poste.
De son côté, il sensibilise les jeunes aux gestes du tri et du recyclage : Ludovic Fransechet est agent de propreté à la Ville de Paris. Même s’il adopte un registre plutôt sérieux et pédagogique, il peut se vanter d’atteindre près de 170 000 abonnés.
Toujours dans les déchets avec Jimmy. Il maîtrise parfaitement les codes de TikTok. Ripeur dans le Calvados, véritable star, il frôle les 600 000 abonnés (!). De quoi rendre vert n’importe quel community manager. Il arrive à rendre amusant et ludique son métier d’éboueur, qui pourtant ne l’est pas vraiment. Ici aussi, une initiative personnelle sans l’aval, mais avec visiblement la bienveillance passive, de son employeur.
Quand les agents sont les mieux placés pour montrer leur métier et faire de la pédagogie sur leur activité, les résultats sont parfois plus efficaces que des campagnes de communication traditionnelles. Nous pouvons clamer haut et fort que la communication nécessite des compétences professionnelles et qu’investir les réseaux sociaux ne relève pas d’une simple activité ludique. Nous pouvons nous interroger sur ces initiatives et la manière dont elles échappent aux entreprises et aux institutions.
Sydia, Ludovic et Jimmy sont des électrons libres talentueux. Tant qu’ils ne nuisent pas à l’image de leur employeur, tout va bien. Qu’en sera-t-il si la ligne éditoriale de ces tiktokeurs venait à perturber la stratégie de communication de l’entreprise ou de l’institution ? La frontière entre la performance individuelle et le bénéfice que peut en tirer l’employeur est fragile.
Faut-il alors s’inquiéter de ces initiatives qui pourraient survenir dans nos collectivités ? Ou au contraire s’en réjouir ? L’appropriation rapide des réseaux sociaux par des agents nous bouscule quant à l’agilité et la souplesse dont nous devons faire preuve dans la maîtrise de ces médias. Est-ce inquiétant ? Non, c'est stimulant !
TikTok, nous allons encore l'aborder au Forum Cap’Com de Rennes. Je vous attends pour en parler.
Jimmy De Pinho Correia, ripeur
582 000 abonnés
Sydia Diaby, chauffeur-livreur de La Poste
241 000 abonnés
Ludovic Fransechet, agent de propreté
169 000 abonnés