Ton maire dans le métavers
Êtes-vous prêt à vous aventurer au-delà de 2022 ? Êtes-vous prêt à investir le futur et à devenir un des pionniers de l’internet de demain ? Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, pardon, « Meta » désormais, vous invite à rejoindre le métavers. Pour quoi faire ? Allons voir.
Par Marc Cervennansky.
@cervennansky
Le métavers, c’est le nouveau mantra qui agite les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). De quoi s’agit-il ? Annoncé comme la prochaine génération de l’internet, il s’agit d’un univers virtuel immersif dans lequel nous irons nous balader librement, grâce à des lunettes connectées.
Mark Zuckerberg, lors de la conférence Connect 2021 en octobre dernier, s'enthousiasmait pour cette révolution vouée à remplacer l’internet mobile, offrant des possibilités infinies, et des opportunités nouvelles de faire du business, bien sûr.
Dans cet univers virtuel, nous pourrons, via des avatars, nous déplacer, rencontrer d’autres personnes via leurs propres avatars, acheter, vendre, jouer, assister à des concerts, travailler… et probablement s’exercer à des activités sexuelles. Le secteur de la pornographie a toujours répondu présent dès qu’une innovation technologique se présentait. Mais là-dessus, Zuckerberg ne s’est pas trop étendu.
Mais le métavers est-il vraiment un concept nouveau ? Pas vraiment. Les gamers vous l’affirmeront : Minecraft ou Fortnite proposent déjà depuis un moment des univers immersifs où on ne se contente pas de jouer. Dès 2003, Second Life ouvrait la voie avec des environnements virtuels ouverts similaires.
Au cinéma, la saga Matrix ou Ready Player One de Spielberg nous ont déjà familiarisés avec ces mondes artificiels.
Des actions irréalisables dans le monde réel
Quel est l’intérêt de se plonger dans ces univers parallèles ? Selon leurs promoteurs, nous aurons l’immense bonheur de nous mouvoir dans des espaces sans contraintes physiques, où tout sera possible. Vous volerez ainsi dans des ciels en 3D et accomplirez des actions irréalisables dans le monde réel. Mais, dans la vraie vie, vous allez surtout être affalé dans votre canapé avec un gros casque sur la tête qui vous fera surchauffer la cervelle. Ici je ne peux m'empêcher de penser à l’excellent dessin animé WALL-E de Pixar, qui imaginait déjà en 2008 un futur où les êtres humains seraient devenus des êtres obèses, incapables de se mouvoir par eux-mêmes, biberonnés aux plaisirs virtuels.
Sinon, concrètement, en quoi ces environnements dématérialisés peuvent nous concerner ? Facebook tente de nous vendre du rêve avec une première expérimentation professionnelle du métavers, nommée Workrooms. Un environnement immersif de télétravail, qui permet grâce à votre casque de réalité virtuelle de pouvoir regarder avec vos collègues virtuels dans un bureau virtuel des PowerPoints réels. Je vous invite à regarder la vidéo de promotion ci-dessous.
Vous, je ne sais pas, mais moi, ça aurait plutôt tendance à me donner envie de fuir. Comme si l'entreprise de Zuckerberg avait oublié qu’une pandémie mondiale a poussé des centaines de millions de personnes à passer leur journée sur Zoom ou Teams, contraints de prendre des apéros en visio avec leurs amis. Clairement beaucoup n’en peuvent plus de ces échanges virtuels qui nous déshumanisent. Une vaccination contre la virtualisation à marche forcée, en quelque sorte…
Quand le virtuel imite trop le réel
Outre l'isolement physique, au sens propre du terme, le métavers risque de reproduire toutes les dérives existant déjà sur les réseaux sociaux. Dans le premier monde virtuel créé par Facebook, Horizon, une femme a déclaré récemment avoir été victime de harcèlement sexuel. « Je n’ai pas seulement été pelotée, a-t-elle déclaré, d’autres personnes soutenaient le comportement de mon agresseur, ce qui m’a donné un sentiment d’isolement… » Facebook étant déjà aujourd’hui incapable de modérer le harcèlement sur son réseau social, nous imaginons ici ce que cela pourra donner dans son métavers. Ça va partir de travers… Quand le virtuel imite trop le réel.
Pour être plus terre à terre et revenir à nos préoccupations de communication publique, un petit rappel : en 2007 déjà, dans l’univers en 3D de Second Life, genre de Sims avant l’heure, Issy-les-Moulineaux avait été une des premières villes françaises à y ouvrir sa mairie virtuelle.
Éric Legale, le directeur de la communication, déclarait alors : « Je crois énormément au développement de ces technologies en trois dimensions. Second Life est un nouveau territoire et nous sommes des pionniers. » L’interrogeant récemment sur le sujet, il m’a avoué qu’il ignorait si Second Life existait encore (la réponse est oui) et ce qu’était devenue sa mairie en ligne. Avis aux amateurs pour essayer de la retrouver ?
Il faudra peut-être songer à l’opportunité de créer un avatar pour votre maire, dans le métavers, pour qu’il puisse dialoguer avec ses avatars de citoyens.
Vous l’aurez compris, l’internet d’après que tente de nous vendre Meta peine à convaincre et ne fait guère rêver. Ce sont pourtant des centaines de millions de dollars qui sont investis, des dizaines de milliers d’emplois qui vont se créer, et on nous promet que, d’ici dix ans, nous y serons tous. Est-ce la chute annoncée de l’empire de Mark Zuckerberg, ou une nouvelle fois un scepticisme rétrograde bien franchouillard ?
Je vous renvoie vers l’excellent article du Monde qui retrace la méfiance et la défiance des Français vis-à-vis de Graham Bell, venu présenter en 1877 son invention à Paris. Personne n’y croyait, personne n’y voyait d’intérêt. Le télégraphe et le courrier postal répondaient aux besoins de l’époque. On n'allait pas s’encombrer de ce gadget inutile, qui s’appelait… le téléphone.