Trump, un repoussoir mobilisateur pour l’Europe, que Strasbourg affiche en ville
Et si les Français s’intéressaient cette fois-ci à l’élection européenne de mai prochain ! Pour les y inviter, la communication publique les bouscule un peu. La campagne que vient de lancer l’Eurométropole de Strasbourg marque les esprits et celle du dernier clip gouvernemental fait débat.
Mercredi 21 novembre au matin, sur une centaine d’affiches placardées dans la ville, les Strasbourgeois ont découvert le visage du président américain recouvert d’une étoile européenne. Une campagne signée par la mairie de Strasbourg qui reprend le titre de la campagne institutionnelle du Parlement européen « Cette fois, je m’inscris et je vote ».
Trump, un repoussoir mobilisateur
Trump utilisé pour mobiliser autour de l’élection européenne : hostile au projet européen, ayant incontestablement réveillé un sentiment anti-américain toujours ancré en France, son image a un côté repoussoir qui cherche à amplifier l’enjeu de ces élections.
« Quand on lance une campagne de communication, on cherche à ce que ce soit vu : il faut une aspérité. Là il y en a une, elle ne passe pas inaperçue, elle provoque un débat et c’est tant mieux », a expliqué à la presse Jean-François Lanneluc, directeur de la communication de la ville.
Il n’y a pas de communication réussie sans risque
Interrogé par le quotidien régional DNA, Jean-François Lanneluc révèle que l’affiche proposée par l’agence de communication Ligne à suivre a été préférée à d’autres, plus tièdes. « Celle-ci nous a paru la plus punchy, dit-il. Ce qu’on voulait, c’est une campagne susceptible de faire du buzz, pas un robinet d’eau tiède ! ». Une campagne « avec des aspérités », comme on dit dans le métier. Même si la silhouette du président américain a été atténuée par rapport à la première version du visuel. Mais, indique le dircom-dircab de la ville : « il n’y a pas de communication réussie sans risque ».
Strasbourg, fière de cette affiche, propose à d’autres villes de la décliner en l’utilisant gratuitement. Et plusieurs communes ont déjà sollicité la ville pour récupérer cette campagne.
Inciter à la participation aux élections européennes de mai 2019 dans un contexte particulier
Il appartient à la communication institutionnelle d’inviter les citoyens à s’inscrire sur les listes électorales et à participer aux élections : c’est l’une de ses missions. Cette campagne de Strasbourg a le mérite de le faire et de le rappeler aux autres collectivités. Cette année, l’inscription sur les listes électorales pouvant se faire jusqu’en février prochain, elles ont le temps de concevoir et développer leur communication dans un contexte où l’Europe est un sujet d’actualité important. Car la participation aux élections européennes de mai 2019 sera déterminante pour la construction de l’Union européenne. Au plan mondial, elle devra faire face aux enjeux géopolitiques, notamment les tensions avec les USA et la Russie, et intégrer les conséquences du changement climatique. Le contexte européen lui-même est également très particulier avec le Brexit et les avertissements formulés contre l’Italie, la Pologne, la Hongrie.
Faut-il transcender certains codes de la communication publique ?
Pour autant, faut-il que la communication publique transcende certains de ses codes pour être entendue dans ce contexte actuel. ? L'échange a eu lieu au sein des dircoms des gouvernements des pays européens et des institutions européennes lors d’une réunion qui s’est tenue ce jeudi à Venise, en présence de Cap’Com. Point d’avis tranché dans ce cénacle, mais le sentiment que "tout ce qui suscite une réaction est bon" et une satisfaction de voir que les collectivités locales françaises se saisissent de la campagne européenne.
En écho à l’initiative de Strasbourg résonne aussi le clip du gouvernement français. « Tonalité alarmiste, thèmes clivants sur l’immigration qu’il faut maîtriser ou subir, image des leaders européens issus de l’extrême droite, la communication gouvernementale pour inciter à la participation aux élections européennes a fait polémique », comme nous le relations dans notre newsletter du 5 novembre.
Décrypté lors d’un récent Comité de pilotage de Cap’Com, ce clip vidéo « Élections européennes : faites changer l’Europe ! » a donné lieu à des échanges entre une vingtaine de communicants publics qui ont partagé des opinions parfois tranchées.
« Il est temps de bousculer les Français », ont défendu certains qui mesurent l’efficacité de ce clip gouvernemental alors que les campagnes de communication du Parlement européen restent peu audibles. « Mais doit-on jouer sur les peurs, être si anxiogène,pour réussir une communication institutionnelle ? » Comme l’ont reconnu des communicants territoriaux, ce ton n’est pas envisageable dans nos communes. Sans compter que pour certains professionnels, le propos du clip est trop proche du discours politique du gouvernement et du Président pour ne pas dénoncer un mélange des genres.
Le questionnement partagé par tous est bien de savoir comment parler de l’Europe, de ses enjeux et de ses institutions que les Français perçoivent mal, si habitués qu’ils sont au fonctionnement un peu pyramidal du pouvoir en France. Un débat qui sera aussi porté lors du Forum de la communication publique de Lyon, le 5 décembre prochain. En présence de Sixtine Bouygues, DGA communication de la Commission européenne, Isabelle Coustet, cheffe du bureau de liaison en France du Parlement européen et Vincenzo Le Voci, administrateur en charge de l’information du Conseil de l’Europe, secrétaire général du Club de Venise, l’association des dircoms des pays de l’UE. Les participants pourront porter un regard sur l’état de l’opinion sur l’Europe et réfléchir à la manière de communiquer sur l’Europe. Un enjeu qui va au-delà de celui de la composition du prochain Parlement européen.