Un dircom nommé Édouard Philippe (suite)
Édouard Philippe déroule la méthodo. Comme un pro. Après avoir fixé les objectifs de communication et calé l’organisation de la communication gouvernementale (voir mon précédent billet en fin d'article), le premier ministre lance la « nouvelle stratégie de marque de l’État ».
Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.
Son constat : « Lors du Grand débat national, les Français ont massivement pointé du doigt la complexité de l’organisation administrative et la difficulté de comprendre ce que le Gouvernement, et l’État dans son ensemble, faisaient pour eux au quotidien. » Les dircoms, notamment des intercos, font le même diagnostic.
« Il est donc de notre devoir de rendre l’État et ses opérateurs plus lisibles et plus visibles. » Le moindre élu nous tance et nous tarabuste ainsi.
Décision d'Édouard Philiippe : « C’est pourquoi, dans le cadre (quadrature du cercle : les circulaires officielles ne sortent toujours pas du « cadre ») de la transformation de l’action publique, j’ai demandé la mise en place de la nouvelle stratégie de marque pour l’État. Partout où il est présent, agit, finance - quelle que soit l’administration responsable - , sa présence doit être indiquée. » On croirait presque entendre un directeur de cabinet qui passait le plus clair des réunions hebdomadaires avec la direction de la communication à pointer agressivement les fêtes de village et les courses de canton où notre logo faisait défaut. Il est vrai que ce stratège arrivait de la signalisation routière.
Tous les services de l’État - ministères, ambassades, préfectures, services déconcentrés et autres opérateurs de l’État - sont tenus d’intégrer le bloc Marianne avec l’intitulé « République française » à leur logo et à leur identité visuelle et de mettre en application la nouvelle charte. Le chef du gouvernement lui-même fixe la règle. Voilà qui va détendre les dircoms qui, depuis des années, s’arrachent les cheveux parce que les organismes associés et autres satellites de la collectivité refusent obstinément d’appliquer la charte.
Le directeur du SIG, Michael Nathan, détaille la mise en œuvre des consignes phillipesques dans une « Note à destinataire in fine ». "In fine" : ah, l’administration française éternelle ! La charte comprend :
- une charte des réseaux sociaux, dont l'objectif est le « respect de la marque de l’État »
- une charte des grands principes rédactionnels, qui sont, tenez-vous bien, ça secoue : « la clarté, la simplicité et l’inclusion. »
Comment la charte graphique change-t-elle ? En 1999, lorsque le bloc marque Marianne a été lancé, beaucoup de professionnels l’avaient trouvé conformiste et vieillot. Vingt ans après, n’attendez pas d’innovation graphique. « Ce bloc évolue pour mieux faire ressortir la Marianne et accentuer son humanité. »
Les objectifs de la charte graphique ne nous feront pas non plus tomber de la chaise :
- « réaffirmer les emblèmes de la République en restructurant le bloc marque,
- renforcer la visibilité de l’Etat grâce à un signe commun,
- créer des repères avec un système graphique complet. »
C’est exactement la même opération que la mise en place de la charte graphique du Québec qui s'appuyait sur le symbole de la fleur de lys et sur une démarche généralisée. J’y ai contribué, de loin, lorsque j’étais coopérant à l’Office d’information et de publicité du Québec, la direction de la communication du gouvernement. Exactement la même opération… il y a cinquante ans.