Un film documentaire sur la biodiversité, vecteur d'attractivité
Comment mettre en scène un territoire résilient, présenter ses failles tout en motivant habitants et visiteurs ? Un film de sensibilisation sur l’impact écologique, « Il faut sauver la Provence », montre l’intérêt d’une démarche partenariat et la puissance des arguments locaux. Un beau tour de force réalisé par La Jolie Prod, que « Point commun » a rencontrée, en amont de l’atelier sur l’image des territoires au Forum de Strasbourg.
Point commun : Comment avez-vous choisi les sujets de cette minisérie, notamment celui sur la Provence ?
Coline Tison : Nous souhaitions avoir une approche globale et explorer un écosystème, un environnement, un territoire. Comprendre comment ce territoire réagissait à la transition écologique. Voir comment il explorait les pistes que les habitants, les entreprises et les pouvoirs locaux avaient mises en place pour affronter ces défis.
Olivier Joulie : Il nous fallait cartographier « le territoire des écosystèmes ». Ce qui nous intéresse, ce sont les liens d’interdépendance entre tous les acteurs.
Sur la question climatique, nous avons pris la direction des Alpes : « Comment cette vallée de l’Arve faisait face ? » Nous avons découvert des solutions de chauffage, des chaudières, des démarches axées sur ça. Ils cherchent à éviter que la neige ne devienne noire et fonde trop vite. En Auvergne, nous avons exploré la cohabitation ville/nature : « Comment vit ce territoire disparate, avec un parc naturel régional d’un côté, et une ville, Clermont-Ferrand, qui grossit ? » Comment accueillir de plus en plus d’humains qui se déplacent (utilisation de l’énergie, covoiturage à Clermont, géothermie, volcan, filière pouzzolane…). On est allés voir comment les prévisions météorologiques pouvaient aider, comment les massifs du parc naturel des volcans d’Auvergne géraient les afflux de touristes (des espaces quelquefois gérés en privé). Les acteurs que nous avons rencontrés sortent des pistes balisées et proposent des solutions locales face à des enjeux globaux. Cela peut donner des idées aux autres territoires. Et en Provence, nous avons exploré la biodiversité. C’est la région en France qui a la plus grande biodiversité. On est allés voir comment cela se passe, on est remontés depuis la Méditerranée, car tout est connecté, depuis la mer jusqu’aux affluents.
Chaque angle avait donc un lien territorial.
La Jolie Prod a présenté ce film Il faut sauver la Provence aux Deauville Green Awards 2022, catégorie biodiversité, pour Ushuaia TV. Film de 52 mn diffusé plusieurs fois cet été et bientôt sur TF1. Ce sujet est proposé dans le cadre d’une minisérie de trois épisodes (dans les Alpes et en Auvergne).
Point commun : Comment avez-vous pu montrer que les territoires et les collectivités ont un rôle à jouer sur ces sujets ?
Coline Tison : On a systématiquement fait attention à avoir des pistes venant des citoyens, des entreprises et des collectivités locales.
Olivier Joulie : Ces collectivités locales sont véritablement en première ligne des enjeux socio-environnementaux. On sait que les transformations passeront par les territoires, car chaque territoire est spécifique. Et notre ligne éditoriale pourrait se résumer en « mettre en lumière l’écologie des territoires ».
Coline Tison : Par exemple nous sommes allés à Cannes, qui a construit une « passe à plastique ». C’est simple, avec la mise en place d’un filet, et cela vient des élus locaux. Ce n’est pas leur seul problème, mais ils ont trouvé cette astuce. C’est une solution locale qui peut être reprise ailleurs.
Soyez pertinents, faites-vous connaître. Mettez des numéros de téléphone sur lesquels on peut vous joindre !
Point commun : Avez-vous un message à transmettre aux communicants publics locaux ?
Coline Tison : Quand on fait ce genre de film, on a une casquette de journaliste. Il est donc important d’avoir une indépendance éditoriale. Nous choisissons nos sujets avec ce que l’on lit dans la presse et sur le web, ce que l’on voit vient aussi de la com qui est faite autour. On va à la recherche de ces solutions, mais c’est nous qui choisissons les sujets. J’ai envie de dire : « Soyez pertinents, faites-vous connaître. Mettez des numéros de téléphone sur lesquels on peut vous joindre ! » Si on vous appelle pour faire quelque chose sur votre territoire, il faut savoir que l’on est sur de petits budgets. Alors les réalisateurs et les producteurs comme nous sont sensibles au fait que l’on puisse les guider, leur faciliter le travail (par exemple, mettre à dispo des chambres d’hôtel, ou d’autres moyens matériels). Un film standard, pour une « petite chaîne », nous est financé de 20 à 30 k€ mais le film coûte 120 k€. Donc on va chercher des aides publiques (CNC, aides des régions…), mais il reste toujours un besoin. Nous sommes globalement sensibles à l’hospitalité.
Olivier Joulie : Nous travaillons très en amont, pour tourner telle ou telle séquence, pour travailler un contenu spécifique. Et nous pouvons par exemple tourner en parallèle de notre séquence plusieurs capsules, qui ne serviront que pour la collectivité en question. Avec les moyens mis en œuvre, on peut donc produire pour plusieurs clients. Il ne faut pour autant pas minimiser l’intérêt du film pour lequel nous venons sur site. Car, au moment où la parole officielle peut perdre en crédibilité, nous fournissons une information objectivée. Nous racontons des histoires vraies ! C’est notre travail d’y veiller.
Coline Tison : En ce moment, nous travaillons beaucoup sur la Loire avec Polau, pôle art et urbanisme. Ils ont mis en place un Parlement de Loire. Une personnalité juridique. On travaille là sur un modèle hybride : il y a bien sûr le film pour lequel ils nous ont passé commande, mais nous avons également fait des propositions à France 3 pour des contenus faits dans ce cadre. Lorsque vous, communicants publics, vous choisissez des boîtes de production pour faire des films institutionnels, n’hésitez pas à choisir des boîtes qui ont déjà fait du documentaire, vous pourrez avoir plus de retentissement, plus d’impact multicanal.
Olivier Joulie : On ne fait pas de la communication, mais on a des moyens à mettre à la disposition de la communication.
Point commun : Quel est votre regard sur la com territoriale ?
Olivier Joulie : Cela commence dès que l’on descend dans le métro à Paris, on tombe régulièrement sur du marketing territorial. C’est notre premier regard. Mais quand on parle avec ceux qui produisent ces contenus, on est vite dans des méthodos très traditionnelles. On a l’impression d’être plus dans le domaine de la « publicité » plutôt que sur des histoires éditorialisées. Et pourtant, les territoires ont des milliers d’histoires à raconter. Nous, les producteurs et réalisateurs de documentaires, nous sommes des gens de contenu.
Coline Tison : Les territoires, dans l’imagerie traditionnelle de la presse et des médias, c’est soit du France 3 régional, soit la concurrence des destinations. Mais les choses ont changé et il y a eu une grande amélioration sur la promotion de l’offre touristique culturelle, patrimoniale et naturelle.
Olivier Joulie : Nous, ce que l’on aime, c’est comprendre un territoire dans sa globalité, comme à Clermont-Ferrand, où nous avons pris de la hauteur de vue. On va se rendre compte que cette grosse agglomération va devoir dialoguer avec le parc naturel régional, c’est un magnifique angle d’attaque éditorial. Car c’est une mécanique invisible à l’œil nu. Et tout l’intérêt est de la décrypter, de montrer les démarches citoyennes et institutionnelles, comment donner les infos, consulter, restituer, présenter les enjeux, la vision, faire une contextualisation. Ce qui n’est pas le cas partout.
La production audiovisuelle, outil d'attractivité pour les territoires en déficit d'image
La réflexion sur les atouts de l'accueil d'une production audiovisuelle pour l'attractivité territoriale se poursuivra dans quelques jours, au Forum de la communication publique de Strasbourg. Christophe Devillers, directeur de l'attractivité de Mulhouse Alsace Agglomération, présentera l’expérience de sa collectivité dans l’accueil de tournages cinéma, lors du grand angle « Les communications de territoires en déficit d’image », le 17 novembre.