Affiches électorales : farce tranquille
On ne sait pour qui vous avez voté dimanche 26 mai aux élections européennes. Ça vous regarde après tout, l’important étant de participer ! Mais on aimerait savoir pour quelle affiche vous seriez prêt à vous damner dans l’isoloir.
Par Bruno Lafosse, directeur de l’agence Boréal et ancien dircom de la Ville de Dieppe.
Car, quand même, l’affiche électorale, c’est, au choix :
- le pensum du graphiste et du concepteur rédacteur ;
- le summum de la créativité contrainte, entre obligations réglementaires (pas de bleu, blanc, rouge), format, logos à caser et desiderata du candidat et de ses conseillers en com… sans oublier l’avis des colistiers sur les scrutins de liste.
On approche de la quadrature du cercle. Et ça se voit. Car si les 34 listes en présence semblent bien en peine de s’afficher sur nos panneaux électoraux déployés comme des accordéons à rallonge, on sent que les communicants ont été eux aussi à la peine, submergés par les questions existentielles. Exemple : faut-il mettre le candidat seul ou entouré ? Nathalie Loiseau (LaREM) a tranché. Entourée au risque de se retrouver noyée par ses colistiers, et barrée d’un bandeau jaune « Avec Emmanuel Macron ». Tutelle quand tu nous tiens… François-Xavier Bellamy a joué à fond la carte BCBG. Ça lui va comme un gant de cuir de pécari, mais pas sûr que ça le fasse crever l’écran. D’autres candidats, faute de notoriété, ont dû se résoudre à se pousser un peu pour faire de la place à la figure tutélaire de leur formation : Jean-Luc Mélenchon s’incruste au côté de Manon Aubry (LFI) et Marine Le Pen (RN) s’impose à Jordan Bardella… Pas évident de parier sur la jeunesse au moment où l’on fait les comptes des intentions de vote.
D’autres s’affichent sans visage. Pour être franc, c’est pratique quand la tête de liste est un illustre inconnu. Les animalistes ont donné la vedette à un chien ou un chat… chacun choisira son animal totem ! Les écolos désormais moins médiatiques (Waechter, Batho) ont préféré une inquiétante main verte pour signifier l’urgence, genre touche pas à ma planète. Les pirates ont hissé leur habituel drapeau et les espérantistes espèrent faire des voix sans être vus.
Pareil côté vocabulaire : on s’est creusé la tête – mais pas trop ! Pour être « différenciant », comme on dit dans le jargon. Benoît Hamon paraphrase de Gaulle avec son Europe libre. Raphaël Glucksmann a des envies d’Europe comme d’autres avaient des désirs d’avenir et présente ses colistiers comme des combattantes et combattants – à défaut de militants. Étrange irruption d’un lexique guerrier dans l’univers politique pourtant pas tendre. Dupont-Aignan surjoue le courage et la France les yeux dans les yeux. New-look coco, Ian Brossat (PC) parle de l’Europe des gens avec une des rares photos non posées (ou alors sans vraiment l’être). Yannick Jadot propose « ensemble, de tout changer » sur fond vert of course. Jean-Christophe Lagarde (UDI) a invité un Giscard d’Estaing (fils) au risque du retour… vers le passé ! Tout comme Lutte ouvrière qui promet le combat du camp des travailleurs contre le grand capital.
Bref pas de chef-d’œuvre, encore moins d’affiche qui révolutionnera la com politique. On sent bien que la campagne se joue ailleurs, sur d’autres réseaux. Le cœur n’y est plus, ni le budget d’ailleurs. Loin des véritables enjeux européens, les affiches désormais jouent un second rôle dans une farce tranquille…