« Avec mon syndrome de l’imposteur… »
Écoutant religieusement l’émission « Very Good Trip » (France Inter), j’entends Michka Assayas évoquer le syndrome de l’imposteur de Christine McVie, chanteuse et inspiratrice de Fleetwood Mac (je vous laisse découvrir). Ce handicap invisible l’a amenée, à son début de carrière, à se mettre totalement en retrait pendant un an et à abandonner (heureusement provisoirement) la musique. Bon sang, m’écriai-je, mais nous ne sommes pas seuls !
Par Lauric Didier-Mougin, responsable communication de la ville de Pulnoy.
Ayant la chance de connaître quelques communicants publics à travers la France, j’ai souvent été étonné par un début de phrase revenant souvent « Avec mon syndrome de l’imposteur… ».
D’abord rassuré parce qu’également testé positif avec symptômes de cette pathologie, je me suis demandé pourquoi nombre de mes collègues communicants publics le ressentaient. Et surtout, comment cela pouvait se manifester, quand et comment.
Rapide tour d’horizon.
Tout d’abord, le syndrome de l’imposteur donne à celui qui le vit et le subit le sentiment de ne pas mériter la place qu’il occupe, d’occuper un poste qui devrait l’être par quelqu’un de bien meilleur. Il prend sa source, notamment, dans la nécessité que nous éprouvons de nous comparer aux autres, mais également dans des egos (ça n’est pas un mot vulgaire) plus ou moins malmenés.
Présent dans à peu près toutes les couches de la population (surtout chez les femmes), toutes les catégories socioprofessionnelles et tous les secteurs d’emploi, le syndrome de l’imposteur (que nous appellerons SYD) n’est pas connu depuis très longtemps puisqu’il a été mis en lumière en 1978 par deux psychologues américaines.
Dans nos métiers, nous sommes souvent confrontés à des phrases susceptibles d’agrandir voire de provoquer SYD : « Y a qu’à utiliser Photoshop », « Il ne faut pas deux heures pour faire une affiche », « Je croyais qu’avec tes compétences tu pouvais te passer de logiciels si onéreux »… Ces mots si blessants sont souvent prononcés par des gens qui ne connaissent rien à la communication territoriale ou qui confondent communication avec « Je passe ma journée devant Facebook ». L’image qu’ils ont de nos métiers est totalement déformée par la pseudo-facilité à concevoir des supports (affiches, posts, articles…) que nous savons, NOUS, réaliser. Définitivement, ça n’est pas parce que je sais planter un clou que je suis charpentier. Pourtant, ces injonctions provenant d’un N+1 ou d’un élu jouent leur rôle : dénigrer notre travail en minimisant nos compétences. Et c’est là que le scud verbal va frapper, en plein cœur de notre SYD, que nous tentons de cacher pour les plus atteints, contre lequel nous luttons pour les plus novices.
Il n’y a pas de hasard dans le fait que nous sommes à nos postes.
Réveillons-nous et affirmons-le : il n’y a pas de hasard dans le fait que nous sommes à nos postes. Nous avons fait des études, nous avons une expérience, nous poursuivons tous les jours notre propre formation par des veilles, des lectures, et ce souvent en dehors des heures de travail. Gérer le compte Facebook d’une mairie ne consiste pas en la diffusion de chatons. Publier un 32 pages mensuels est plus difficile que d’écrire un discours pour la centenaire de notre Ehpad. Nous ne sommes pas des imposteurs et, comme le dit continuellement Fred Fougerat : la communication est un métier.
Si comme moi vous ressentez un peu trop souvent les effets d’un SYD omniprésent, laissez-moi vous dire ce que vous risquez de subir si vous vous laissez submerger.
Risque 1 : je ne vais pas postuler sur ce poste, il est bien trop coté pour moi
Outre le problème parfois récurrent du grade (je ne vais quand même pas postuler sur un poste de A alors que je suis B… Spoiler : SI !!), ça n’est pas uniquement à vous de déterminer si vous pouvez prétendre à un poste ou pas. Vous avez étudié le descriptif des missions, apprécié la liste des tâches et vous vous voyez déjà dans le beau bureau… Alors envoyez votre CV. Vous avez une expérience, vous saurez vous adapter. Même si vous ne vous en rendez pas compte, vous passez votre temps à le faire !
Risque 2 : mon élu à la communication m’a demandé de mettre du rouge…
Alors que vous savez très bien que le vert est la couleur adaptée. Défendez votre point de vue. Souvent, votre élu sera comme ce comptable installé près de la porte de l’avion et qui a été désigné pour sauver l’ensemble des passagers : il ne comprend pas vraiment ce qu’il fait là. C’est à vous, par votre expertise, de lui expliquer clairement que votre choix ne se base pas sur vos goûts en matière de couleurs, mais bien par votre compétence en design graphique.
Risque 3 : ne pas discuter avec les communicants connus sur Twitter
Et c’est le risque le plus important. Imaginez un instant. Vous êtes au Forum Cap’Com, peut-être seul et perdu au milieu de vos pairs, et un communicant aux 10 000 abonnés est devant vous. La peur vous gagne et une seule phrase résonne en vous : je suis chargé de com dans une 5 000, je ne peux quand même pas lui parler.
SIIIII ! Figurez-vous que ce sont des humains comme vous et moi. Pour ma part, j’ai mis trois ans à parler à certaines et certains, tout ça pour me rendre compte que c’était trois ans de trop. Le nombre de followers, la fréquence de leurs articles, la connaissance qu’ils et elles ont du métier n’est rien comparé à ce besoin que nous avons toutes et tous de partager, de découvrir, d’échanger sur nos métiers et pratiques. Souvent, vous vous rendrez compte qu’ils ont la même trouille que vous.
Bien évidemment, je sais qu’il ne s’agit pas de dire « Ben tu n’as qu’à aller mieux » quand quelqu’un souffre de dépression. Le syndrome de l’imposteur est un réel handicap pour celui ou celle qui le vit. Un CV envoyé, un dialogue engagé, un contact pris… ce sont tous ces petits pas qui nous permettront de nous dire « Je suis à ma place et c’est NORMAL ».