Ce besoin de reconnaissance
Les réseaux sociaux sont installés dans le paysage de la communication publique depuis un moment. Pourtant, il semble que le travail des professionnels du numérique ne soit pas estimé à sa juste valeur. Problème d’égo ou méconnaissance d’élus déconnectés de la réalité ?
Par Marc Cervennansky.
@Cervasky
C'était un échange sur Facebook Messenger. Entre des membres du comité de pilotage de l'Observatoire socialmedia des territoires. L’objet de la discussion : se mettre d’accord sur les critères qualitatifs à retenir pour décerner les prochains Hashtags d’or, trophées décernés aux collectivités les plus agiles sur Instagram.
Cette année ils seront remis lors des Rencontres de la communication numérique, à Issy-les-Moulineaux, le 26 septembre 2019.
Mais revenons aux échanges sur la méthodologie de sélection qualitative des territoires. Comment qualifier la performance d’une collectivité sur les réseaux sociaux, selon sa taille, ses moyens, ses objectifs, sa population, son emplacement géographique plus ou moins favorable…
Bref les éléments de classement possibles sont multiples et tous défendables. Mais un argument a éveillé ma curiosité, cité plusieurs fois : les Hashtags d’or légitiment le travail des community managers ou chargés de com auprès des élus de la collectivité.
Ainsi certains s’interrogent : « Peut-on dire qu'il y a une différence entre les comptes gérés par un communicant qui a travaillé son sujet et sa stratégie (ou qui tente de le faire vu le temps restreint dont il dispose) et le compte géré par un élu qui poste tout ce qui lui passe par le viseur ? » D’autres vont plus loin : « Ça permet de valoriser le travail vis-à-vis des gens de nos institutions qui n’y connaissent rien et qui ne jugent que par le nombre d’abonnés. »
L’utilisation de Facebook, Twitter ou Instagram n’est pas encore reconnue à sa juste valeur
Ces réactions renforcent des situations observées par ailleurs : le besoin de faire reconnaître un usage professionnel des réseaux sociaux, face à des comportements de certains élus qui publient en dilettante et viennent saborder le travail de communication de la collectivité.
Après les sites web, les réseaux sociaux font partie de la panoplie des outils de communication depuis un bon moment, et les études publiées par Franck Confino le confirment. Mais force est de constater que l’utilisation de Facebook, Twitter ou Instagram n’est pas encore reconnue à sa juste valeur.
Contrairement au magazine territorial, dont la conception et la fabrication restent l’apanage de professionnels, les réseaux sociaux ont d’abord été associés à des activités individuelles de détente, empreintes d’une certaine vacuité égocentrique. D’où l’image peu professionnelle qui leur reste collée à la peau.
Ainsi certains élus ou responsables admettent la nécessité d’être présents sur les réseaux parce que les habitants y sont, mais sans y attacher plus d’importance. Rappelez-vous cette infographie de Cap'Com qui décrivait le long et fastidieux processus de validation d’un magazine territorial face aux 30 secondes nécessaires pour publier un tweet.
Ce péché originel de mauvaise réputation
Si les collectivités emploient de plus en plus de professionnels pour gérer leur communication numérique – le CNFPT vient même de reconnaître la profession d’animateur de communauté –, l’engagement semble s’arrêter là pour certaines. Face à ce péché originel de mauvaise réputation des outils propulsés par les GAFA, le communicant ne doit pas seulement faire preuve de professionnalisme mais également de pédagogie en interne pour justifier, expliquer, voire rendre visible son travail quotidien.
Force est de constater que la population s’informe de plus en plus via les médias sociaux, alors que l’audience de la presse papier (y compris territoriale) a tendance à se tasser. Il est temps que le travail réalisé de publication, de veille et d’échanges avec les habitants sur les réseaux sociaux soit reconnu au niveau qu’il mérite.
Alors, oui, cette reconnaissance passe par celle d’acteurs extérieurs à la collectivité, que ce soit par des prix, des distinctions ou des avis d’utilisateurs. Nul n’est prophète en son service com. La légitimité n’est jamais acquise, elle se gagne, avec patience et abnégation. Nous avons la chance d’avoir des outils qui nous fournissent des données précises et précieuses sur leurs utilisations. Utilisons-les, montrons-les.
Un Hashtag d’or, d’argent ou de bronze est toujours bon à prendre, pour son égo, sa collectivité et sa crédibilité professionnelle.
Photo : Unsplash – Prateek Katyal.