Ceux qui découvrent qu’il y a de l'eau à la mer
En ces temps de questionnements, allons voir ce qui se passe dans la corporation voisine : les communicants… privés. Petit parcours dans la presse professionnelle pour y débusquer quelques phénomènes parlants.
Par Alain Doudiès, consultant en communication publique, ancien journaliste, membre du Comité de pilotage de Cap’Com.
Dans les propos de patrons et patronnes d’agence, souvent l’abscons le dispute au prétentieux, l’emphatique à l’obscur. L’un parle d’« un accompagnement hyper précis en granularité sur chaque problème », l’autre du « passage du storytelling au storydoing », quand un troisième affirme, à peine pontifiant, que « le réel enjeu de la communication post-confinement est de réintégrer la temporalité dans la narration de chaque entreprise ». Ces grands stratèges sont à un niveau stratosphérique.
Effet de mode et poncifs
L’effet de mode ne manque pas de jouer. Ainsi avec la « résilience ». Elle était déjà dans le vent, entre autres avec l’« opération Résilience », pacifique dénomination de la contribution de l’armée à la « guerre » sanitaire. Elle sévit aussi dans la pub, assortie d’un autre cliché du moment, « les jours d’après » : « Les trois clés du progrès des jours d’après sont l’utilité, le mouvement, la résilience. » Pauvre Boris, mis à toutes les tambouilles.
Une dose de poncifs, ça ne traite rien, mais ça ne fait pas de mal : « Nous avons un besoin vital de relation pour faire société » ou bien « La communication est stratégique et essentielle » ou encore « La communication, c’est rejoindre l’autre par le message ». Chamboulant, n’est-ce pas ?
Point commun à un grand nombre de ces propos : la quête de sens, la signification et la direction emmêlées : « C’est le rôle d’un leader : donner du sens », « Il faudra démontrer l’utilité des actions (de l’entreprise), leur sens » et, encore plus connecté, « Un reboot de sens ». Nous n’y échappons pas tout à fait : « Le marketing territorial en quête de sens » (newsletter du 11 mai).
Valeurs refuges
Déboussolés, les pubards se tournent vers les valeurs refuges. Les nôtres. L’œil sur leurs marges, ils y vont gaiement. Morceaux choisis : « Le rôle sociétal des marques », « Une communication essentielle et d’utilité sociale », « Créer les conditions d’une solidarité durable », « Il s’agit d’assurer que chaque communication est utile, par respect pour les cibles » et même, apparente autocritique, clamée avec fierté, « Nous devons faire preuve d’humilité ». Mieux encore : « Une communication responsable, raisonnée, authentique, durable », « Quatre valeurs : la confiance, l’Homme social, les libertés, l’équilibre ». On croirait lire du Cap’Com, sous la plume de Dominique Mégard ou de Bernard Deljarrie.
Ça fait du bien de voir gesticuler nos presque confrères, nous qui, me semble-t-il, avançons paisiblement, résolument, modestement, pour affronter les problématiques des jours de maintenant et des jours de demain.