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En période électorale, les réseaux sociaux, ni plus ni moins

Publié le : 18 mars 2025 à 10:06
Dernière mise à jour : 20 mars 2025 à 14:27
Par Andréane Lecarpentier

Le 1er septembre, 6 mois avant les élections municipales de 2026, les services communication des villes et intercommunalités de France entrent en période de communication encadrée par la loi. Les réseaux sociaux n’échappent pas à ce cadre. Mais ni plus ni moins que les autres moyens de communication. Comme ils sont des lieux de débats, largement scrutés et viraux, observons les postures à adopter, et analysons les jurisprudences récentes.

Cet article a été rédigé avec le regard expert de Meggane Bonato, avocate au barreau de Lyon spécialisée en droit public.

Pour une lecture en accéléré de cette page, arrêtez-vous à ce premier paragraphe, mais apprenez-le comme un mantra et pratiquez-le par cœur. D’abord l’article L. 52-1 du Code électoral. Ensuite les huit postures du communicant zen en période électorale. Les plus curieux poursuivront la lecture des derniers avis de jurisprudence pour des précautions plus spécifiques adaptées aux réseaux sociaux.

Le Code électoral s’applique aux réseaux sociaux comme à toute communication

Le Code électoral n’a quasi pas évolué depuis 1966 sur ses dispositions sur l’encadrement de la communication en période électorale. Il mentionne dès le début l’interdiction de toute publicité commerciale. Seules quatre modifications auront été portées à l’article L. 52-1 en près de soixante ans, notamment pour éviter d’accorder une « prime au candidat sortant ».

  • En 1985 s’invite « la communication audiovisuelle » aux côtés de « la communication par voie de presse ».
  • En 1990 s’ajoute l’interdiction de toute campagne de promotion publicitaire sur les moyens des collectivités.
  • En 2001 apparaît la possibilité pour un candidat de réaliser le bilan de ses mandats.
  • En 2011, la durée d'interdiction de publicité commerciale s'harmonise avec celle des campagnes de promotion publicitaire.

Article L. 52-1 du Code électoral : ni pub ni promo

Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite.

À compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre.

C’est parce que peu de modifications ont été portées à la loi qu’il est important de s’intéresser à la jurisprudence, qui met en lumière des usages et des pratiques plus conformes à l’actualité consommée goulûment sur les réseaux sociaux. Revenons donc plus en détail sur la pratique des réseaux sociaux en période de campagne électorale grâce aux enseignements d’une sélection de jurisprudences récentes.

Enchaînez tous les jours les 8 postures du communicant zen en période électorale

La communication des villes et intercommunalités est encadrée. Pas interdite. Le devoir d’information persiste, celui de pédagogie et de transparence aussi. Les 8 postures du communicant zen en période électorale vous donneront l’équilibre et la sérénité pour maintenir vos actions de communication en pleine conscience.

Cette infographie a été réalisée en partenariat avec Rokovoko.

Expirez : adieu pubs, ads, boosts

Si les Meta, TikTok et autres réseaux sociaux présentent un panel large de moyens de booster ses publications à faible coût unitaire, tous sont à proscrire à compter du 1er septembre 2025. Qu’il s’agisse de mener la campagne d’un candidat ou de poursuivre la communication institutionnelle de sa collectivité (et de tout organisme intéressé, satellite d’une collectivité concernée).

CE, 28 mai 2021, n° 445567.

Une colistière de M. C., candidat aux municipales de 2020 à Alixan, a utilisé un procédé de publicité commerciale sur Facebook entre le 29 février et le 9 mars 2020. Il ciblait les utilisateurs de 18 à 65 ans résidant dans la commune et comportait une photographie de sa liste et un lien vers sa page Facebook.

TA Bordeaux, 26 janvier 2021, n° 2103367.

Entre les 22 et 25 juin 2021 – en période de campagne pour les départementales –, la page Facebook « Borgella Mossion Périgueux » présentait trois publications sponsorisées comportant la photo et les slogans de campagne électorale de Mme Borgella et M. Mossion (candidat sortant). La publication était accompagnée d’un bandeau « Votez le 27 juin ! Ensemble pour la Dordogne, c'est un équilibre entre l'expérience et le renouveau », ainsi qu'une vidéo reprenant l'engagement des candidats en matière de mobilité.

Dans les deux cas, les listes d’opposition ont saisi le tribunal compétent dans la foulée des élections. Ambiance. Autant s’épargner en amont des procédures judiciaires stressantes, longues, parfois coûteuses, et – surtout - qui abîment à long terme la relation de confiance entre élus et citoyens. Le juge a bien reconnu une méconnaissance de l’article L. 52-1 du Code électoral. Il n’a cependant pas annulé les élections : le contenu non polémique, son faible impact sur la fréquentation des pages concernées, sa faible durée n’ont pas altéré la sincérité du scrutin : les dispositifs n’ont pas faussé les résultats du scrutin. A posteriori, plus l’écart des voix entre les candidats est faible, plus le juge aura tendance à considérer que la sincérité du scrutin a été altérée.

L’expression de l’opposition sur les réseaux sociaux

Faut-il le rappeler ? Les réseaux sociaux, s’il est prouvé qu’ils sont assimilés dans leur usage à un bulletin d’information générale, doivent réserver un espace à l’expression des élus de l’opposition. En période électorale comme de tout temps.

Inspirez, prenez la posture de l’arbre

La loi n’empêche pas la collectivité de communiquer pour diffuser auprès des habitants et des usagers les décisions prises par ses élus, ou toute information présentant un intérêt local. Mais cette communication doit se faire avec modération et anticipation. La jurisprudence a dégagé un faisceau de quatre indices qui permettent de caractériser l’existence d’une campagne publicitaire. L’analyse de la jurisprudence démontre que c’est bien souvent la combinaison des manquements à plus d’un de ces principes qui emporte une sanction. Autrement dit, en respectant cumulativement ces quatre indices dans votre communication institutionnelle, vous mettrez à l’abri votre communication institutionnelle de toute ambiguïté et de tout risque de requalification.

Retenez donc ces quatre principes à respecter dans votre communication institutionnelle en période électorale, autant que spécifiquement sur les réseaux sociaux :

  • Neutralité : l’information communiquée par la collectivité, ses élus, ses agents est politiquement neutre, à caractère informatif.
  • Identité de forme : on mène les actions de la même façon, avec la même importance et aux mêmes coûts.
  • Antériorité : on ne crée pas de nouvelle action opportune. On reproduit des actions déjà réalisées.
  • Régularité : on ne modifie pas la périodicité de ses publications.

Les candidats tête de liste encourent des risques graduels s’ils enfreignent l’article L. 52-1 du Code électoral

  • Le premier risque, commun à tous, c’est le doute créé dans l’esprit des citoyens qui ont voté.
  • Le temps et le coût d’une procédure judiciaire : des frais de justice, de défense et une amende (pouvant aller jusqu’à 75 000 euros selon la gravité des faits).
  • L’annulation des résultats et la relance d’une nouvelle élection.
  • Une requalification des dépenses dans les comptes de campagne du candidat tête de liste.
  • L'inéligibilité pour une durée maximale de trois ans.
  • Trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d'amende en cas de dépassement du plafond des dépenses électorales.
Neutralité et identité de forme

CE, 6 mai 2015, n° 382518 : Attention aux intitulés ambigus

Depuis 2012, le maire sortant de la ville de Hermes a développé une page personnelle Facebook sous l'intitulé « Mairie de Hermes », avec une photographie de quelques maisons et de la mairie, des liens avec le site internet de la ville. Le juge reconnaît que cette démarche a pu être source de confusion pour les électeurs et que le maire sortant a porté atteinte à l’égalité des moyens de propagande dont les candidats peuvent user. Il a décidé d’annuler les élections de mars 2014 dans la ville.

L’intitulé des comptes des réseaux sociaux doit permettre aux électeurs de discerner l’auteur des publications : consultent-ils le compte de la collectivité (« Ville de X »), de l’exécutif élu (« Maire de la ville de X ») ou du candidat (« Monsieur ou Madame X », sans référence à la ville dont le candidat est maire) ?

CE, 16 avril 2021, n° 445398 : Attention aux partenariats affichés

Une vidéo promotionnelle d’un projet de construction d'un ensemble immobilier à Magnanville est publiée sur la chaîne YouTube de la ville. Intitulée « Entrée de ville », elle faisait suite à des communications antérieures de la ville sur le même sujet et à des réunions publiques de présentation intervenues en mai 2019, présentant ce projet de réaménagement sous forme d'images de synthèse, de manière neutre et informative. Si elle fait apparaître très brièvement, au début et à la fin, les logos des partenaires privés et institutionnels du projet, dont la ville, elle ne comporte pas de commentaires ou référence au candidat maire sortant ou aux thèmes de sa campagne. Le juge a relevé que le contenu des informations était neutre et dépourvu de tout message électoral. Il décide de ne pas annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 à Magnanville.

Antériorité et régularité

CE, 22 juillet 2021, n° 450129 : De nouvelles initiatives contestables

La participation d’élus à la distribution de colis alimentaires – alors qu'ils n'étaient habituellement pas engagés dans ces associations – et sa mise en valeur sur le compte Facebook du candidat sortant doivent être regardées comme étant intervenues en vue des élections et comme ayant pu affecter la libre détermination de certains électeurs. Le juge a relevé l'absence d'antériorité. Il n’a cependant pas annulé les élections car il a considéré l’absence d’altération de la sincérité du scrutin en raison de l’écart des voix constaté.

CE, 2 février 2022, n° 451371 : Des atouts habituels ou inédits ?

Un tract édité par M. L., candidat sortant de la ville de Nogent-sur-Marne, annonce un projet de centre médical et le programme « Patient 94 ». Il est concomitant avec le déploiement sur le fronton de la mairie d'une banderole relative au classement de la commune dans les « Villes où il fait bon vivre ». Le juge a considéré que ces éléments font partie de ceux qu'il est habituel de retrouver à la fois dans un bulletin d'information municipal et dans un tract de campagne. Il n’annule pas les élections municipales du 28 juin 2020.

Un kit de communication en période électorale

Cap’Com met à disposition un ensemble d’articles rappelant les règles de « propagande électorale » et celles s’appliquant à la communication publique en vue des prochaines élections municipales et communautaires de 2026, départementales et régionales de 2027 et les suivantes.

N’hésitez pas à partager le lien de cet article avec votre service communication, votre cabinet et vos élus candidats sortants. Le temps restant avant le 1er septembre doit davantage servir à anticiper et communiquer sereinement à partir de la rentrée qu’à précipiter les dernières actions. À vos plannings !

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