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La charge mentale des communicants sur le tapis

Publié le : 17 février 2025 à 15:18
Dernière mise à jour : 20 février 2025 à 12:02
Par Anne Revol

Certaines spécificités de la communication publique exposent les professionnels à une charge mentale importante. Un constat dressé en particulier par les communicants des petites collectivités, qui ont abordé le sujet sur le tapis de paroles du dernier Forum de la communication publique. Signes avant-coureurs, points d'attention, stratégies et outils pratiques pour prévenir et réduire sa charge mentale, retour sur ce tour d'horizon aussi complet qu'utile à tous en mots et en infographie.

Comprendre ce qu'est la charge mentale et comment elle se manifeste dans le métier du communicant, identifier les signaux d'alerte et les situations qui la génèrent, développer des stratégies et se doter d'outils personnels et numériques pour la limiter... C'est armés d'un arsenal complet que Gaud Menguy, chargée de communication de Brocéliande communauté et membre du Comité de pilotage de Cap'Com, et Reynald Tuillet, responsable communication d’Arâches-la-Frasse, ont animé les échanges avec leurs pairs le 11 décembre 2024 à Lille sur le thème « Les communicants de petites collectivités allègent leur charge mentale ».
Ils le partagent ici avec l'ensemble du réseau et la complicité d'Alicia Moccatti, étudiante en licence information territoriale à l'université Bordeaux-Montaigne, qui en a tiré une infographie.

La notion de charge mentale et ses spécificités dans la compublique

La charge mentale désigne le poids psychologique lié à la gestion simultanée des responsabilités domestiques, familiales et/ou professionnelles, souvent invisibles mais constantes. Elle implique le fait de devoir constamment planifier, anticiper et organiser les tâches, même lorsqu'elles ne sont pas directement exécutées, ce qui peut être épuisant mentalement. Elle est particulièrement associée à une répartition inégale des tâches.

Certaines particularités du métier du communicant public l'exposent particulièrement à l'augmentation de cette charge :

  • réactivité et pression des délais ;
  • grande polyvalence des missions (informations institutionnelles, gestion de crise, événements, contenu digital, relations presse, communication interne…) ;
  • relations avec les élus et les administrés.

Une charge mentale trop importante provoque du stress, de l'épuisement, des erreurs... qui entraînent encore plus de stress, d’épuisement, d’erreurs, etc. C’est un cercle vicieux qui peut se mettre en place et avoir des conséquences négatives au quotidien aux niveaux professionnel et personnel.

Les signes avant-coureurs d’une charge mentale trop importante

Signes émotionnels

  • Irritabilité ou impatience fréquente, y compris dans la sphère privée.
  • Sentiment d'être débordé ou dépassé.
  • Anxiété constante ou inquiétudes excessives.
  • Périodes de tristesse, parfois sans raison évidente.
  • Sentiment de culpabilité ou d'insuffisance (ne pas en faire assez).

Signes cognitifs

  • Difficultés de concentration ou de prise de décision.
  • Troubles de la mémoire, oubli fréquent de tâches importantes.
  • Sensation d'avoir l'esprit constamment en ébullition.
  • Incapacité à « déconnecter » mentalement, même pendant les moments de détente.

Signes physiques

  • Fatigue persistante, malgré un sommeil suffisant.
  • Maux de tête ou migraines fréquents.
  • Tensions musculaires, notamment dans la nuque et les épaules.
  • Troubles digestifs, comme des douleurs à l'estomac ou des nausées.
  • Insomnie ou sommeil non réparateur.

Signes comportementaux

  • Difficulté à prioriser ou tendance à procrastiner.
  • Accumulation de petites tâches non réalisées, entraînant un sentiment de surcharge.
  • Réduction des activités de loisirs ou des moments de détente.
  • Isolement ou éloignement social (moins de contacts avec les proches).
  • Augmentation de comportements compensatoires (consommation excessive d'aliments sucrés, d'alcool, de tabac, etc.).

Conséquences relationnelles

  • Conflits plus fréquents avec les proches ou les collègues.
  • Impression que les responsabilités sont « injustement » réparties.
  • Manque de disponibilité mentale ou émotionnelle pour les autres.

Les sources de charge mentale dans le métier de communicant public

Sur le tapis, les communicants des petites collectivités ont identifié les situations génératrices de stress et d’anxiété dans la pratique de la communication publique.

  • Gérer un flux d'informations constant : mails, messagerie en ligne, réseaux sociaux, téléphone…
  • Devoir gérer simultanément de nombreux projets, être au four et au moulin de A à Z (surtout quand on est seul).
  • Composer avec la réunionite.
  • Être très souvent en déplacement.
  • Rechercher le perfectionnisme et gérer les pressions des élus.
  • Devoir se montrer légitime, une problématique malheureusement bien spécifique à nos professions.

9 stratégies pratiques pour prévenir et réduire la charge mentale

S'organiser et prioriser

Utiliser les techniques de gestion du temps, parmi lesquelles :

  • le Time Blocking : une méthode de gestion du temps qui consiste à dédier des segments de votre journée à des tâches prédéterminées. En bloquant délibérément du temps pour les tâches importantes et pour la détente, le Time Blocking favorise non seulement l'achèvement des projets mais aussi une meilleure qualité de vie ;
  • la loi de Carlson : « Un travail réalisé en continu prend moins de temps et d’énergie que lorsqu’il est réalisé en plusieurs fois. »

Optimiser son temps

  • Utiliser la matrice d’Eisenhower. Cet outil de gestion des tâches repose sur deux critères de hiérarchisation : l’urgence et l’importance. Il aide à classer les tâches en quatre catégories : les tâches prioritaires, à planifier, à déléguer et à abandonner.
  • Identifier les tâches qui prennent du temps. Utiliser, par exemple, des timers en ligne pour identifier quelle tâche prend quel temps et ainsi s’assurer qu’on ne passe pas trop de temps sur des choses sur lesquelles on ne devrait pas.
  • Contrer la loi de Laborit qui démontre que, face à une liste de tâches à accomplir, nous avons une tendance naturelle à commencer par celles qui nous semblent les plus faciles. Au contraire, ne vaut-il pas mieux se débarrasser d’abord des choses les plus difficiles ?
  • Réaliser les tâches similaires en même temps : par exemple, faire toutes ses demandes de devis d’un coup.
  • Diviser les très grosses tâches en petites tâches : cela permet de prendre conscience du fait que l’on avance.
  • Déléguer certaines tâches.

Clarifier les demandes : poser autant de questions que nécessaire pour bien clarifier les attentes.

Apprendre le lâcher-prise : distinguer l’urgent de l’important (cf. matrice d'Eisenhower) et classer les demandes :

  • important/urgent ;
  • non important/non urgent (poubelle) ;
  • important mais non urgent (délégation) ;
  • urgent mais non important.

Développer une communication assertive pour poser des limites : savoir dire non quand il le faut, être factuel et proposer des solutions.

Développer un réseau de référents.

Porter une réflexion sur les moyens alloués à ses missions (financiers, matériels et humains).

Dédier un temps dans son agenda aux rendez-vous avec les collègues des autres services : lorsqu’un collègue vient vous interrompre, si cela doit prendre plus de 10 minutes, mieux vaut prévoir un temps pour en parler calmement.

Tisser des liens avec des pairs/faire partie de réseaux : pour partager des astuces et des ressources.

14 outils pour une meilleure gestion des priorités et du stress

Des pistes pour gérer son stress et son équilibre personnel

  • Prendre des temps de pause et de déconnexion numérique : l'article L. 2242-17, 7° du Code du travail stipule les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale, rappellent Reynald Tuillet et Gaud Menguy. En pratique : laisser son ordi et son téléphone au bureau dans la mesure du possible et ne pas regarder ses mails le soir ou le dimanche.
  • Gérer ses émotions dans les relations professionnelles (et avec les élus) : RELATIVISER et prendre du recul. Chacun à sa place, se respecter les uns les autres, se dire les choses et se rappeler que nous sommes entre adultes (pas d’infantilisation).
  • Pratiquer des techniques de relaxation rapides : respiration, méditation courte, cohérence cardiaque...
  • Avoir une activité physique : par exemple, aller marcher pendant sa pause de midi.
  • Utiliser le temps de trajet comme un sas de décompression (faire quelques respirations dans sa voiture avant d’entrer dans sa maison).
  • Apprendre à bien se connaître : savoir si on est plus efficace le matin ou l’après-midi. Adapter ses horaires, garder les tâches les plus importantes pour le moment où on est le plus efficace.
  • Communiquer : partager ses ressentis avec son entourage.
  • Se faire conseiller ou accompagner : hypnose, sophrologie, psychologie…

Quelques outils numériques pour alléger sa charge mentale

Outils d’organisation et de gestion des tâches
Ces outils permettent de planifier, prioriser et suivre vos activités pour éviter les oublis et la surcharge.

  • Trello : gestion de projets et de tâches sous forme de tableaux kanban visuels.
  • Todoist : application simple pour créer des listes de tâches avec rappels et priorités.
  • Microsoft To Do ou Google Tasks : intégration directe avec d'autres outils comme Outlook et Gmail.
  • Notion : plateforme tout-en-un pour organiser des notes, des projets, des tâches et des informations.

Outils de planification
Ces applications aident à structurer votre temps et à équilibrer vos activités.

  • Google Calendar ou Outlook Calendar : pour planifier vos rendez-vous et recevoir des rappels.
  • TimeBloc : un calendrier visuel simple pour organiser votre journée heure par heure.
  • Fantastical (iOS) : un agenda intelligent qui synchronise plusieurs calendriers et permet une gestion intuitive.
  • Monday.com : gestion des projets en équipe avec des options de suivi des deadlines.

Applications de gestion personnelle et bien-être
Ces applications servent à se détendre ou à prendre soin de sa santé mentale, points cruciaux pour alléger la charge mentale.

  • Headspace ou Calm : méditation guidée et exercices de relaxation.
  • Forest : application ludique pour rester concentré et limiter les distractions numériques.

Outils collaboratifs pour répartir les responsabilités
Ces outils facilitent la gestion partagée des tâches dans un foyer ou une équipe.

  • Google Keep : partage de listes et de notes avec des proches ou des collègues.
  • Asana : pour coordonner des projets en équipe avec des listes de tâches collaboratives.

Et aussi : utilisation des alertes et rappels intelligents.

Pour ceux qui veulent d’autres outils que le numérique :

  • un tableau blanc, un paperboard… ;
  • un carnet, Post-it, avec des to-do lists.

Choisissez les outils adaptés à vos besoins : n’accumulez pas trop d’applications pour éviter de complexifier la gestion et donc de vous ajouter de la charge mentale !

Et on garde toujours à l’esprit…

On peut tous avoir, par moments, une charge mentale importante voire très importante. L’objectif est qu’elle reste limitée dans le temps, elle ne doit pas devenir chronique. Il faut rester capable de se projeter à court, moyen et long terme. Et quand la charge mentale n'est finalement plus maîtrisable, il ne faut pas hésiter à partir, a souligné l'une des participantes au tapis de paroles... pour mieux rebondir. Une des solutions ultimes mais positives, à l'image des prises de parole des communicants des petites collectivités venus échanger des témoignages forts et engagés et mettre la charge mentale au tapis.

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