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Les collectivités face à l’irruption de la marque employeur

Publié le : 14 avril 2022 à 07:00
Dernière mise à jour : 15 avril 2022 à 11:59
Par Bernard Deljarrie

Se lancer dans une démarche de marque employeur est devenu une nécessité, révèle l’étude réalisée par Cap’Com auprès de responsables publics. Mais les freins sont encore nombreux tant au sein de la collectivité que dans la fonction territoriale. Pourtant, cet état des lieux laisse présager une prise en compte rapide qui va au-delà de l’effet de mode.

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La marque employeur, serait-ce un effet de mode ? Le concept était inexistant au sein des collectivités locales il y a encore quelques années. Et voilà qu’il est à la une, fait l’objet d’études et que les Rencontres de la communication interne du secteur public se sont ouvertes sur ce thème.

En effet, selon l’étude réalisée par Cap’Com avec l’institut Occurrence, 97 % des quelque 230 communicants et DRH de collectivités interrogés jugent que la marque employeur est devenue aujourd’hui une réelle nécessité et une condition de légitimité pour les collectivités territoriales. « La situation est inédite, explique Gwenaëlle Solignac, responsable de la com interne de la Ville de Paris, le marché de l’emploi se retourne et les attentes des agents se transforment. »

Étude : « La marque employeur au sein des collectivités territoriales »

L’étude « La marque employeur au sein des collectivités territoriales : état, diagnostic et bonnes pratiques » a été réalisée en février 2022 par Cap’Com en partenariat avec l’institut d’études Occurrence. Le questionnaire a été élaboré avec l’aide du groupe de travail « Com interne » du réseau Cap’Com. Les 229 répondants sont pour trois quarts des directeurs de la communication ou responsables de la communication interne de collectivités locales et pour 1/4 des DRH ou DGS. 60 % d’entre eux travaillent dans des collectivités qui comptent plus de 500 agents.

Dévoilés lors des Rencontres de la communication interne le 31 mars 2022, les résultats sont décryptés dans Point commun, l’infolettre du réseau des communicants publics, et sur le site cap-com.org.
Au-delà de cette première analyse, les données de cette étude concernant les actions et les outils mis en place par les collectivités dans le cadre d’une démarche de marque employeur seront analysées dans un prochain article de Point commun.

Mais précisons le concept. La marque employeur correspond à l’image qu’un organisme souhaite donner de lui-même dans un objectif d’attractivité des candidats mais aussi de fidélisation des collaborateurs. Cette démarche englobe donc l’ensemble des actions internes menées en faveur de la qualité de vie au travail, des pratiques managériales, de la valorisation des métiers et de la culture commune. Elle concerne également la politique de recrutement et donc la communication externe, notamment vers les futurs collaborateurs. En ce sens, la marque employeur est un enjeu de ressources humaines qui se doit de mobiliser la compétence communication, dans une orientation à la fois marketing et communication interne.

Effet de mode ou démarche structurante ?

« Ce n'est parfois qu’un effet de mode, précise Hélène Guillet, DGS du centre de gestion de Loire-Atlantique, vice-présidente du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales, mais c’est de plus en plus souvent un projet de l’ensemble de la collectivité. » Et pourtant, constate la même étude de Cap’Com, seulement une collectivité locale sur deux aurait fait à ce jour de la marque employeur un de ses objectifs. Pourquoi cette ambivalence entre une nécessité reconnue et une prise en compte encore faible ?

« Il y a une certaine forme d’inertie », reconnaît Pierre Chavonnet, qui a participé à l’étude au sein d’Occurrence et qui est par ailleurs élu local. Y aurait-il donc un retard des collectivités locales à s’investir dans une stratégie de marque employeur ? « Pas vraiment, et ne nous comparons pas toujours au secteur privé, qui n’a pas les mêmes impératifs », réagit Hélène Guillet.

En fait, le secteur public a depuis longtemps développé des stratégies de marque employeur, mais sans les inscrire sous ce vocable. C’est au travers du marketing territorial que la cible des futurs collaborateurs fut identifiée, et en com interne que l’accueil des nouveaux agents fut pris en compte. « Et puis, renchérit Hélène Guillet, le problème de l’attractivité de la fonction publique territoriale (FPT) n’existait pas il y a quelques années. »

En effet, la réflexion sur la marque employeur de la FPT est récente, et c’est en ce début d’année que l’État a lancé la marque employeur des services publics portée par la plateforme « Choisir le service public ». En parallèle, le secteur local envisage de créer une « marque employeur territorial » unique, suite à un rapport du Conseil supérieur de la FPT et de l’Association des DRH des grandes collectivités (ADRHGCT).

Sans attendre ces marques ombrelles, les collectivités ont avancé. Pour certaines d’entre elles, la marque employeur se traduit par des objectifs et des actions déjà mis en œuvre.

Qualité de vie au travail et valeurs partagées

En matière de qualité de vie au travail, dans de nombreux domaines, les actions sont engagées. Selon l’étude Cap’Com, il est possible de les hiérarchiser selon qu’elles sont plus ou moins avancées au sein des collectivités locales. D’une manière générale, seules les politiques traditionnelles d’égalité femmes-hommes, d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, d’organisation du travail et de formation apparaissent plus ou moins mises en place, même s’il reste encore un tiers des collectivités qui reconnaissent que ces politiques ne sont que peu ou pas avancées. Ce qui touche au management, au processus de recrutement et aux conditions de travail reste en revanche à la traîne.

Voici un certain nombre d’objectifs et de moyens constitutifs d’une stratégie de marque employeur. Pour chacun d’eux, indiquez l’état d’avancement de votre collectivité.

En matière d’attractivité de la collectivité et des métiers, les résultats apparaissent différents. Les actions pour promouvoir l’image et la notoriété du territoire et de l’institution semblent bien souvent engagées, la plupart du temps dans le cadre de démarche de marketing territorial. Il n’en est pas de même pour la reconnaissance et le partage de valeurs.

Voici un certain nombre d’objectifs et de moyens constitutifs d’une stratégie de marque employeur. Pour chacun d’eux, indiquez l’état d’avancement de votre collectivité.

Le recul des valeurs

Une marque employeur se construit sur des valeurs partagées, celles du métier, celles de l’institution, celles des missions. Cela passe par la compréhension des politiques menées par l’institution, par le partage d’une culture propre aux métiers du secteur public, par la valorisation de la mission de service public inhérente à tous les agents.

« On assiste à un recul des valeurs qui fondent une telle démarche, confirme Gwenaëlle Solignac, car nous devons davantage communiquer par la preuve, et donc par l’action, en nous éloignant des concepts. Mais la communication par la preuve n’est pas suffisante en l’absence de sens. »

Constatons que le sens de l’engagement des agents a aussi évolué. Dans le travail, mais aussi dans la société, comme dans les associations, l’engagement prend de nouvelles formes, plus individuel, plus éphémère, plus dans l’action que dans le discours. Et pourtant, note Hélène Guillet, « les valeurs, c’est l’ADN des agents publics, et si elles sont en recul, c’est aussi parce que la fonction publique est trop souvent décriée ». Le nombre de fonctionnaires, le poids de la dépense publique mais aussi les missions de service public sont souvent contestés, ce qui ne favorise pas l’image de l’emploi dans le secteur public.

15es Rencontres de la communication interne

Les 15es Rencontres de la communication interne du secteur public se sont tenues à Paris le jeudi 31 mars et le vendredi 1er avril 2022. Devant une salle comble de 230 communicants publics, les Rencontres se sont ouvertes par une plénière consacrée à « L’état de la marque employeur ». Sur les deux jours, les participants ont pu suivre huit ateliers méthodologiques, un world café, une conférence sur le management par la confiance et une conférence hop (six innovations présentées en 10 minutes chacune).

Impliquer la direction et les agents

Pour progresser, il faudrait dépasser une difficulté : la démarche de marque employeur ne peut réussir que si elle est partagée à tous les niveaux de la collectivité, c’est-à-dire autant par les élus, que par les directions. « Le portage au plus haut niveau est indispensable », confirme Hélène Guillet. Par exemple, raconte Olivier Destefanis, responsable marque employeur et influence de l’Armée de terre, « l’armée fut un peu frileuse au départ, mais la démarche s’est forgée au fur et à mesure dans un processus de réflexion stratégique ». « Le plus difficile fut de faire comprendre à la direction de l’armée que les jeunes nous choisissent aussi ! » Une priorité partagée par l’un des répondants de l’enquête, qui précise : « Le développement d'une démarche marque employeur forte est conditionné à l'implication partagée de la direction générale, des ressources humaines et de la communication. »

Mais toutes les directions ne sont pas sensibilisées par l’importance de la démarche. L’étude sur la marque employeur le confirme très bien. Si la marque employeur est poussée par la communication, notamment interne, et par la DRH, et, dans une moindre mesure, par le DGS, les autres directions tout comme les élus en restent éloignés.

« À Paris, explique Gwenaëlle Solignac, la force recrutante, ce sont les différentes directions, et l’attractivité et l’image, ce sont les élus, il faut embarquer tout le monde dans le même processus. Et au-delà, c’est l’ensemble du personnel qui porte et valorise la marque employeur. » De même au sein de l’armée, renchérit Olivier Destefanis, « l’ensemble du personnel doit être un ambassadeur de la marque employeur ». C’est ce que l’on appelle le « personnel branding ». Cette notion de marketing personnel n’est pas une nouveauté, mais elle est de plus en plus prégnante en raison des usages numériques des agents, notamment sur les réseaux sociaux professionnels.

Une stratégie qui va rapidement prendre tout son sens

Les difficultés subsistent, mais la volonté est là. Même si, comme le signale Jean Breillat, responsable de la com interne de Tours Métropole Val de Loire : « Tout ne dépend pas de nous, la politique salariale, l’image du territoire, par exemple, nous échappent. » Cela n’empêche, le mouvement est lancé, et plus d’une collectivité sur deux envisage de construire sa stratégie de marque employeur dans les trois prochaines années.

Les grandes collectivités locales devraient être bientôt presque toutes dotées d’une véritable démarche de marque employeur. L’emploi public en a bien besoin ! Aux communicants publics d’en faire rapidement un axe de leur stratégie.

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