Les stories, 3 questions à se poser pour se lancer
Les stories, ces publications populaires sur les réseaux sociaux, fleurissent en ce printemps confiné. Et les communicants publics numériques, qui sont de plus en plus nombreux à intégrer ce format à la stratégie social média de leur collectivité, ne sont pas en reste. Le format nécessite une certaine agilité mais le jeu en vaut la chandelle, nous disent-ils. Croisons l’expertise de certains d’entre eux pour répondre à trois questions essentielles avant de se lancer : quoi, pourquoi et comment.
Aux 11es Rencontres nationales de la communication numérique (en partenariat avec l'Observatoire socialmedia des territoires et au Forum Cap’Com de Bordeaux, Jeanne Rousselet, community manager de la ville de Lambersart, Simon Séreuse, community manager de la ville de Roubaix, et Thomas Schwartz, responsable de la production vidéo de la ville et de l'Eurométropole de Strasbourg, ont partagé leur expérience dans la réalisation de stories pour leur collectivité. Retour sur les grands enseignements partagés lors de leurs interventions.
Qu’est-ce qu'une story ?
Les stories décrivent de courts diaporamas verticaux d’une ou plusieurs image(s) et/ou vidéo(s) accompagnée(s) d’éléments visuels (titres, emojis, étiquettes…) postés sur Snapchat, Instagram ou Facebook.
Ces publications ont la particularité de disparaître 24 heures après leur mise en ligne. Un caractère éphémère directement hérité de Snapchat. Ce réseau social de partage de messages qui s'autodétruisent après quelques secondes a lancé les stories en 2012. « L’idée initiale est de partager via son smartphone de petits moments funs et ludiques. Les jeunes, cœurs de cible de l’application, se sont emparés de ce nouveau code narratif », explique Marc Cervennansky, responsable du centre web et réseaux sociaux de Bordeaux Métropole. « Depuis, les autres réseaux sociaux ont intégré cette fonctionnalité avec succès. » En 2019, Instagram et Facebook ont revendiqué tour à tour plus de 500 millions d’utilisateurs de stories par jour. Et les marques sont au rendez-vous : elles génèrent 1/3 des stories les plus regardées. « C’est un moyen efficace pour renforcer leur storytelling et créer une culture d'entreprise », soulignent Simon Séreuse et Jeanne Rousselet.
Pourquoi les collectivités doivent-elles s’y mettre ?
Le format semble tout indiqué pour les entreprises ou les marques qui veulent vendre leurs produits. Alors pourquoi publier des stories quand on travaille dans le secteur public ?
Pour toucher les jeunes
« Pour les collectivités, elles représentent une opportunité de parler à un segment que la communication institutionnelle a souvent du mal à toucher : les jeunes », explique Thomas Schwartz. « 71 % des utilisateurs actifs mensuels d’Instagram ont moins de 35 ans, et ce réseau social a trouvé un second souffle grâce aux stories. »
Pour donner une image moderne de la collectivité
De plus en plus de gens font et/ou regardent des stories. 500 millions d'instagrameurs utilisent les stories (mai 2019) contre 300 millions en mai 2017. Il serait dommage de passer à côté d’un média en forte progression. « Utiliser les stories dépoussière l’image des collectivités en montrant que l’institution est attentive à ce qui se passe et qu’elle est en capacité d’utiliser des outils assez modernes. »
Pour interagir avec les habitants
Autre avantage des stories : elles génèrent beaucoup d’engagement auprès des utilisateurs. « L’engagement, c’est le terme générique qu’on utilise pour parler des j’aime, des reposts, des commentaires. C’est un peu le nerf de la guerre qui permet de quantifier la réussite d’un post », précise Thomas Schwartz. « Un post beaucoup vu mais peu commenté, reposté, aimé, cela montre que les internautes ont vu votre contenu mais n’y ont pas forcément adhéré. Les stories permettent plus particulièrement de booster le micro-engagement car elles favorisent l’interaction directe entre les personnes. Elles s’adressent directement à vous ou au community manager pour poser une question. »
L’interaction est d’autant plus forte que le format des stories est immersif. Elles s’affichent en 9:16, ce qui permet d’être complètement absorbé par le contenu sans être distrait par autre chose que les quelques boutons qui figurent sur les stories.
Pour ajouter de la spontanéité à sa com institutionnelle
Les stories sont le média de la proximité et de la spontanéité. Tout l’intérêt de la story est de ne pas être trop institutionnelle, trop marketée. Une spontanéité qui va de pair avec le caractère fun et décomplexé. « Le community manager peut s’amuser en concevant ses stories – sur des sujets non sensibles et légers évidemment – et donc amuser les abonnés du compte de la collectivité », expliquent Jeanne Rousselet et Simon Séreuse. Une spontanéité décomplexée qui donne le droit à l’erreur. Les stories ne durent que 24 heures et peuvent au besoin être supprimées.
Comment faire une story ?
Un format qui permet de se tromper sans que cela ne porte à conséquence ? Voilà encore une bonne raison pour les collectivités de se lancer… avec ces quelques repères de leurs pairs.
Raconter une histoire
« Une story, c’est une histoire. Il y a un début, un milieu et une fin », rappelle Thomas Schwartz. « Poster une seule image ou une seule vidéo, c’est frustrant et cela manque d’intérêt, sauf pour partager un “instant” relativement anecdotique (le retour du soleil, la belle photo du jour, les premiers flocons en hiver). Pour décliner une campagne en story, il sera plus pertinent de la découper en plusieurs posts pour faire comprendre le message. »
Privilégier la qualité à la quantité
Pour autant, Thomas Schwartz conseille de ne pas multiplier les publications. « Six “posts” par jour (constituant donc une story), c’est le chiffre qui ressort généralement des échanges entre spécialistes. » Une quantité à adapter en plus ou en moins en fonction de ce que la collectivité a à dire, mais sans tomber dans l’excès, plus raccord avec les sujets mode ou jeu vidéo par exemple. « Les stories, c'est quotidien, ou du moins le plus souvent possible ! » complète Jeanne Rousselet.
Format, durée, sens de lecture : respecter la logique des stories
Instagram en général et les stories en particulier ont leur logique propre. Un format : le 9:16, une durée : 15 secondes, et un sens de lecture : les stories se parcourent de gauche à droite au sein même d’un fil Instagram qui, lui, se lit de haut en bas.
Adapter propos et format aux stories et non l’inverse
Format, durée, sens de lecture, des particularités à connaître pour maîtriser la fabrication des stories et éviter un écueil : imposer un propos ou une forme qui ne sont pas adaptés aux stories (une affiche A0, un texte de programme d’événement, une vidéo de 5 minutes...). « Vous pouvez fractionner, illustrer, mettre en situation. Les stories correspondent à des usages particuliers. C’est à vous de vous adapter et non l’inverse. »
Utiliser les nombreux outils d’Instagram
« Faire entrer quelque chose de purement institutionnel dans un format qui ne l’est pas du tout, cela ne fonctionne pas », ajoute Thomas Schwartz. Il faut casser les codes de la communication de la collectivité. Pour ce faire, il ne faut pas hésiter à utiliser les nombreux outils que propose Instagram et qui évoluent en permanence.
Texte, effet boomerang, gif animé, sondage, question, vidéo, musique, superzoom, compte à rebours, leur utilisation permet de créer de la variété, du rythme et surtout de l’interaction.
Les sondages, les quiz, les questions notamment, peuvent permettre aux abonnés d’apprendre des choses et susciter de l’engagement.
Les superzoom, les gifs animés apportent un côté fun.
Les mentions, les hashtags et les géotags (étiquettes lieu) portent sur la viralité. Ils permettent aux internautes de trouver les stories même s’ils ne sont pas abonnés. « Mettre un maximum de hashtags pour être le plus visible possible, c’est fini. Les statistiques montrent que plus on insère de hashtags, plus l’engagement diminue », précise Thomas Schwartz. Mieux vaut donc se limiter à deux ou trois hashtags bien trouvés et bien réfléchis en ayant le bon équilibre entre les hashtags très utilisés sur le réseau et ceux moins utilisés mais plus pertinents par rapport au contenu.
Ne pas faire trop propre
Les gifs pixelisés, les photos de travers entrent typiquement dans les codes des stories Instagram. Il faut rester dans cette esthétique très « fait maison ». « Les contenus ultra-designés, très chartés seront considérés comme “artificiels” par vos abonnés. Si la collectivité veut tout de même charter un peu plus ses stories, elle peut utiliser Canva et Mojo en plus des outils d’Instagram. »
PSA : proximité, spontanéité, authenticité… et simplicité
Au milieu de tous ces conseils pour fabriquer ses stories, une ligne directrice se dessine à travers une formule prononcée par Bruno Patino, directeur éditorial d’Arte et auteur de La Civilisation du poisson rouge, lors des Rencontres de la vidéo mobile : « PSA : proximité, spontanéité, authenticité. » « Rester proche des gens en limitant le côté esthétique, donner l’image d’un post fait rapidement : tout cela apportera la sensation d’authenticité. Vous pouvez y ajouter la simplicité », complète Thomas Schwartz.
Quelques précautions avant de commencer
« Les stories nous offrent différentes possibilités et sont vues et suivies par les habitants. Alors, à vous de vous y mettre », invitent nos trois communicants numériques, non sans quelques constats partagés.
- On ne fait pas de bonnes stories sans en avoir vu. La maîtrise des codes devient très simple une fois qu’on en a regardé plusieurs. Une évidence qui a son importance.
- Il faut y consacrer du temps : il va falloir en faire un certain nombre avant de réussir : il faut y consacrer du temps. Les réseaux sociaux évoluent très vite, les algorithmes changent sans arrêt. C’est par la veille mais surtout par l’usage et la répétition que vous allez comprendre ce fonctionnement toujours en évolution.
- Les stories ne remplacent pas les autres outils de communication. Cela parlera aux jeunes et à un public dynamique qui est connecté, mais pas aux autres qui peuvent être soit sur d’autres réseaux sociaux soit absents des réseaux ou du web. Les stories touchent potentiellement moins de monde que les autres canaux de communication, notamment la hiérarchie. Dommage par rapport à l’investissement représenté. Mais tant mieux pour la créativité : si peu de personnes au-dessus de vous vont la regarder, vous aurez – toutes proportions gardées – plus de liberté de vous « amuser » !