L’extrême droite aux portes du pouvoir. Quelles seraient les inquiétudes pour notre métier ?
Notre pays vit depuis dimanche une situation historique. Au-delà de toutes les analyses qui l’expliquent, nous avons choisi de questionner les communicants publics pour les inviter à veiller à leur métier.
Notre métier, si particulier, s’inscrit dans le cadre d’une éthique forte et spécifique. Nous nous sommes battus pour qu’elle le soit. Nous l’avons écrit et promu : « Dans le domaine de l’information, le communicant public doit veiller au respect de certains principes comme la dignité des personnes, la véracité des informations, l’équité et l’impartialité des contenus. Il doit aussi éviter les dérives comme l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, la manipulation, la censure ou l’autocensure. Dans sa pratique professionnelle au sein d’une collectivité publique, le communicant doit veiller à la déontologie du service public et au respect de la frontière entre l’action de la collectivité et l’action politique de ses élus. » (1)
Aujourd’hui, l’extrême droite approche du pouvoir national. Dans moins d’un mois, la France pourrait se réveiller avec un gouvernement aux mains de ceux qui soutiennent et contribuent à des pratiques contraires à l’éthique de la communication publique. Depuis des années, dans nos écrits, nos pratiques, nos responsabilités, nous nous inquiétons des fake news, de la désinformation, de la manipulation de la réalité à des fins politiques. Nous constatons l’exacerbation et la polarisation du débat public, la libération de paroles xénophobes et l’usage de la communication comme une arme idéologique. Dans certaines villes, nous avons observé combien sont nocifs la manipulation et le mélange volontaire de la communication institutionnelle et de la communication idéologique. Et, au-delà de nos frontières, nous notons comment des régimes s’en prennent à la liberté d’expression et font usage de propagande pour influencer l’opinion publique.
Demain, quelle sera la communication gouvernementale, celle du SIG, des ministères, des organismes publics nationaux ? La communication publique d’un gouvernement d’extrême droite – des exemples en Europe nous le démontrent – pourrait ne plus concourir à l'État de droit. Elle pourrait ne plus avoir comme objectif d'informer et de permettre l'échange entre les pouvoirs publics et les citoyens, ni de renforcer le lien social et la démocratie.
Peut-on rester indifférent à ce risque qui, en détruisant la reconnaissance de la communication publique et les bases de sa légitimité, fragiliserait nos institutions ? Les communicants publics portent une communication d’intérêt public qu’ils veulent complète, compréhensible, sincère, impartiale. Ils travaillent quotidiennement pour construire la relation de confiance entre les citoyens et leurs institutions. Ils assurent l’information sur les services publics et les prestations sociales en s’adressant à tous les habitants, sans discrimination.
Parce que les communicants publics ont un devoir d’information et sont chargés d'une mission de service public, il nous a semblé de notre responsabilité de rappeler l’éthique que doit avoir toute communication publique et la nécessité d’agir pour que la communication publique ne soit pas dévoyée.
Dominique Mégard, déléguée générale de Cap’Com de 1988 à 2010
Bernard Deljarrie, délégué général de Cap’Com de 2010 à 2020
(1) Cf. : L'éthique et les chartes déontologiques du communicant public