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L’hôpital ne masque pas ses mots

Publié le : 20 avril 2020 à 07:15
Dernière mise à jour : 12 janvier 2024 à 11:52
Par Yves Charmont

Comment continue-t-on de communiquer pendant le pic de l’épidémie ? Quels sont les défis auxquels sont confrontés les communicants dans les établissements de santé ? Quelles sont les réalités de la com publique en blouse blanche ? Christine Hiaumet, responsable com interne et externe du groupe hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil, a accepté de répondre à ces questions en période de crise (entre deux appels urgents) et nous l’en remercions.

Quand et comment avez-vous été confrontés à cette crise ?

Christine Hiaumet : C’était quinze jours avant le confinement. Nous avons très vite été dans le bain bien qu’ayant eu un petit temps d’adaptation. En effet, comme nous appartenons à un groupement de trois hôpitaux, les deux autres établissements se sont trouvés en première ligne. Nous n’intervenions seulement qu’en soutien. Nous avons alors pris la mesure de la crise lorsque l’Autorité régionale de santé (ARS) nous a fait monter en première ligne. S’est alors posée la question de la réorganisation de l’accueil des patients extérieurs. Lors d’une réunion d’information avec les médecins et les cadres, nous avons œuvré pour leur permettre de l’expliquer aux équipes. Un document synthétique a été envoyé par mail à chacun. Il fallait donner une ligne directrice pour expliquer la réorganisation des services.
Ensuite s’est posée la question du matériel, des masques, de l’hygiène… tout en respectant les procédures au plus juste.

Christine Hiaumet, responsable com interne et externe du groupe hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil.

Quels ont été les changements dans votre travail à la com interne et externe début mars ?

C. H. : Nous étions sur le bouclage du journal interne, le rapport d’activité, les remises de médailles. Tout a été suspendu. Nous nous sommes immédiatement recentrés sur le personnel et l’activité professionnelle, pour accompagner les collègues avec la création de supports adaptés. Les quinze premiers jours ont été extrêmement denses, car, malgré la crise, il fallait respecter les procédures – par exemple signer des conventions avec les partenaires hôteliers et compagnies de taxi.
À ce moment-là se posait également la question d’être présent sur site. En effet, les services transversaux, comme les ressources humaines, ont été encouragés à ne pas rester et à partir en télétravail, pour limiter les risques de contamination. Qui doit rester ? D’abord certains effectifs ont été réduits de moitié, puis il ne restait qu’une personne, puis une permanence… On a pris le rythme. Pour moi cela a été le baptême du feu du télétravail. J’ai eu la surprise de découvrir que :
1. il n’y a pas de limites sur les plages horaires. Du moins au début : c’était non-stop. Il y avait jusqu’à cinquante appels par jour au plus fort de la crise et il fallait tout confirmer par mail ;
2. je suis plutôt une femme de terrain et c’est la première fois qu’on m’éloignait de celui-ci. D’où un gros besoin d’organisation.

Avez-vous reçu des demandes différentes en matière de communication ?

C. H. : Oui, et je pense à un point particulier. Nos établissements font un travail énorme sur les dons. Il a fallu aller chercher des blouses, des visières, des masques...et j’y ai participé, pour remercier chaque donateur, identifier d’où venait le don et quels services en avaient bénéficié.
Une photo des soignants avec les équipements offerts était adressée et publiée sur les réseaux sociaux.

Crédit photo : Hôpital de Montfermeil du GHT Grand Paris Nord-Est

Mais nous avons eu d’autres demandes liées à l’urgence de la crise, comme le besoin de renforcer les équipes par recrutement externe : rédiger les annonces, gérer avec un minimum d’attention la marque employeur, envoyer à toutes les communes pour qu’ils les publient sur les réseaux sociaux.
Plus au calme, nous accompagnons des services spécifiques, et notamment les psychologues, qui conseillent le personnel sur place ou en télétravail (alimentation, sommeil, confinement, vie de famille, etc.).
En com interne, plus que jamais, il nous a fallu donner des informations aussi diverses que les attestations de circulation, des infos RH sur les RTT et les congés, les salaires ou même les accès prioritaires dans les supermarchés.

Cette période restera-t-elle comme une parenthèse ou un changement plus profond s’opère-t-il ?

C. H. : On réajustera notre communication, notre manière de communiquer à travers les supports. Mon seul moyen de com avec le personnel aujourd’hui, c’est le mail. Nous vivons une com exclusivement digitale. Cela laissera des traces.

Je retiendrai surtout de cette période l’économie de moyens sémantiques.

On a vu le ton évoluer en fonction de la crise, vers moins de distance. Mais je retiendrai surtout de cette période l’économie de moyens sémantiques. Je passe du temps à choisir tel ou tel mot, car le personnel n’a plus le temps de lire et ne peut pas perdre de temps à décoder. Il faut aller à l’essentiel : taille, format, mise en pages, rapidité de production. C’est une leçon.

Et en ce qui concerne la com externe ?

C. H. : Il s’agissait surtout de com dirigée vers les patients. Du fait de la réduction des consultations, une communication a été nécessaire à l’intention des patients présentant des pathologies lourdes (diabète, cancer, maladies chroniques). Certains appréhendaient le Covid-19 à l’hôpital, la rumeur disait qu’il n’y avait plus de consultations, il fallait donc les rassurer et les convaincre de continuer à venir. Nous leur avons adressé des lettres didactiques, détaillant les itinéraires à suivre dans l’établissement pour éviter les zones sensibles, etc.

Et votre action sur les réseaux sociaux ? Avez-vous affaire à de fausses informations ?

C. H. : Une ligne politique a été définie, nous ne répondons pas systématiquement aux sollicitations de la presse. Pour vous parler d’un cas concret : nous avons connu un décès au sein de nos effectifs ; par respect et à la demande de la famille, nous n’avons pas communiqué. Ce qui n’a pas empêché la presse de venir à l’entrée…
Pour revenir sur nos pratiques sur les réseaux sociaux : nous les avions lancés il y a huit mois maintenant. Ils sont communs aux trois établissements. Lee personnel n’adhérait que moyennement, mais c’est une affaire ancienne maintenant. Le taux de partage et de réactivité de nos RS est très conséquent. Nos réseaux sont mieux connus. Un lien fort a été établi.

Pendant cette période, la vie de l’établissement continue-t-elle malgré tout ?

C. H. : Oui, bien sûr, la vie ne se résume pas au Covid. L’hôpital continue à prendre en charge les autres pathologies et urgences. Nous traitons les dossiers médicaux un par un et les codons. Du fait de la tarification à l’acte, il nous faut constamment rappeler les procédures et identifier les soins.
Nous sommes déjà en train de penser à la réorganisation capacitaire des services. Tout doucement, nous allons reconfigurer l’hôpital, réaffecter les effectifs.

Interview menée par téléphone le 15 avril 2020.

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