L'importance des TOC (traques obsessionnelles des coquilles)
Huitième extrait du (presque réel) carnet de bord d'une communicante.
Par Lucille Roué, responsable de la communication de la ville de La Tour-du-Pin.
Jeudi 23 mars 2023, 16h01, depuis mon salon
Cher carnet,
T’ai-je déjà parlé de l’une de mes marottes : la traque des coquilles ? Il y a des personnes qui ont l’oreille absolue, d’autres ont un palais si aiguisé qu’elles détectent mille et une saveurs les yeux fermés... Eh bien moi, mon truc à moi, mon don un peu spécial est visuel : mon œil repère facilement la majuscule manquante ou les doubles espaces dans un texte.
Moins prestigieux, tu me diras ? En apparence, certes, mais cette faculté est pourtant bien utile car elle me permet de repérer le moindre grain de sable qui peut entraver la cohérence d’un écrit. En effet, il n’y a rien de plus irritant (pour moi en tout cas) que de lire un flyer, un document, un texte bien rédigé, si bien écrit qu’il m’emporte phrase après phrase, et de me retrouver d’un coup en arrêt bloquée sur un bête pépin de forme. Quatre points de suspension, une parenthèse ouverte mais jamais refermée, une puce différente en début de ligne... mais pourquoi ? Je frémis... J’ai beau prendre une grande respiration, me concentrer pour reprendre le fil de ma lecture, mais mon esprit reste en alerte pour détecter les autres incohérences, et c’est foutu pour le reste, je ne retiendrai pas le message : mon cerveau aura buggé sur le fond après avoir trébuché sur la forme.
Cela peut paraître un peu extrême j’en conviens, mais ce qui me rassure, c’est que je ne suis pas seule : j’ai rencontré au cours de ma vie professionnelle quelques personnes aussi sensibles que moi sur ces questions de forme du texte. En particulier, mon alter ego Marlène, alors graphiste en agence qui maquettait le bimestriel que je rédigeais. Nous étions complémentaires, partagions nos savoirs, c’est notamment elle qui m’a appris que l’espace typographique était féminine (« Marlène, il reste une double espace, 2e paragraphe, ligne 5 ! »). Et j’ai même constaté que ces TOC (traques obsessionnelles des coquilles) étaient devenues une faculté recherchée et appréciée, puisque cette rigueur m’a valu les surnoms de « Miss point-virgule » ou d'« Œil de lynx » de la part de mes collègues qui me confiaient l’ensemble de leurs écrits et documents pour relecture.
Mais tu sais, cher carnet, je ne suis pas correctrice professionnelle, loin de là. J’en laisse passer quelques-unes de ces fameuses coquilles, difficile de les repérer dans ses propres productions. D’où l’importance dans nos métiers de faire relire nos écrits par une autre personne, qui ne connaît pas le texte, et qui aura un œil neuf pour relire la forme et non le fond. Car tous ces signes ne sont pas anecdotiques : leur douce musique aide la lecture, et, en cas de couac, de fausse note, c’est toute la partition qui sonne faux et le message avec... Alors, convaincu de l’importance des TOC ?