Manager à distance en situation de confinement : du lien avant tout
Habitué à pousser au cœur de la mêlée, indiquant le chemin au contact avec son équipe, le manager doit repenser son rôle et sa posture dans la solitude du confinement. Il doit continuer à motiver et relier ses agents pour préserver l’humain grâce au meilleur des outils numériques.
Par Yann-Yves Biffe.
La crise sanitaire du Covid-19 a brutalement modifié nos méthodes de travail en renvoyant du jour au lendemain beaucoup de nos agents chez eux. D’un jour à l’autre, tous ou presque se sont retrouvés à travailler à domicile, éventuellement en famille, mais surtout loin les uns des autres. Même si certains télétravaillaient déjà au préalable, c’était un ou deux jours par semaine… pas plusieurs semaines de suite… Du coup, tous les repères du cadre de travail habituel sont remis en cause.
Plus que jamais, face à des collaborateurs isolés, le manager trouve son utilité. En temps normal, quand les process sont éprouvés, l’organisation peut peu ou prou faire sans lui… pendant un temps limité. Là, il doit fixer le cap, donner des perspectives dans le brouillard, fixer des règles et tenir son équipe. Autant de missions qui lui sont dévolues déjà en temps normal et en présentiel. Mais à distance, leur besoin s’accroît et plusieurs de leurs composantes s’affirment comme primordiales.
Ça donne à agir pour entretenir le lien
Il importe tout d’abord et basiquement de garder le lien, de faire sentir à l’agent qu’il fait partie de l’équipe, que l’on a besoin de lui, même s’il est isolé.
Dans certains cas, en l’absence de mission ou en situation de garde d’enfant ou de repli pour précaution sanitaire, il s’agira tout simplement de prendre des nouvelles, de connaître l’état de santé de l’agent, de donner des informations sur la situation du service.
« Loin des yeux, loin du cœur » ne doit pas trouver de sens dans le travail à distance.
On conservera ainsi une continuité dans la relation qui permettra une reprise d’autant plus rapide qu’elle n’aura pas été précédée d’une phase d’abandon ou ressentie comme telle par l’agent. « Loin des yeux, loin du cœur » ne doit pas trouver de sens dans le travail à distance.
Ce lien passe par des rendez-vous téléphoniques ou, mieux, en vidéoconférence. Les besoins dépendent de chacun : certains demanderont une rencontre virtuelle tous les jours, d’autres toutes les semaines… un peu comme au bureau. Ceux qui ne demandent rien ne devront pas être oubliés pour autant !
L’idéal est de créer des rituels, avec des jours et heures de rendez-vous fixes, pour poser des jalons dans l’emploi du temps et dans la relation, et baliser le temps de travail, identifié comme différent du temps hors travail.
Ça donne à distiller de la confiance
Même si les outils numériques rapprochent virtuellement, travailler éloignés ne permet plus d’avoir ces contacts informels et répétés, rassurants, que le manager multiplie avec ses collaborateurs au sein d’une unité géographique. Pour autant, au bureau, sait-il en permanence ce que font ses collaborateurs ? Non. Il fixe des objectifs et demande que ses agents les atteignent dans un délai défini, expressément ou non. La logique à distance doit être la même, voire être renforcée.
Loin d’être poussé au relâchement, le télétravailleur consciencieux a plutôt tendance à se multiplier, à élargir son amplitude de travail. Or, sur une période longue comme celle que nous traversons, il s’agit de gérer la durée et aussi de s’épargner, de garder de la fraîcheur d’esprit et du recul sur les choses.
Être mobilisé en permanence, tous les jours, même si on n'en a pas conscience, épuise les ressources mentales. Il faut donc faire savoir à ses collaborateurs qu’on est conscient du travail qu’ils réalisent, des efforts qui sont les leurs dans un contexte difficile même si le cadre du domicile peut sembler confortable. En effet, il n’y a pas de coupure maison/travail, c’est une difficulté mentale en soi.
Vérifier que le travail est fait ou que le travailleur travaille, la nuance est de taille.
Cependant le rôle du manager est de vérifier que le travail est fait. Oui, effectivement, mais c’est différent de vérifier que le travailleur travaille. La nuance est de taille. On aura tout intérêt à solliciter le collaborateur pour définir une feuille de route, connaître l’état d’avancement de tel dossier, les difficultés rencontrées… L’agent se sentira soutenu et encouragé à continuer. À l’inverse, s’assurer de la présence d’un agent derrière son écran sera ressenti comme du flicage incitant l’agent à en faire le moins possible sans que cela se voie.
Ça donne à voir loin et à préparer la suite
Il ne s’agit pas seulement ici de faire face à une crise ponctuelle, en gérant les opérations façon commando ou déclenchement de la cellule de commandement du Plan communal de sauvegarde. Cette crise court sur plusieurs semaines. Elle ne doit donc pas bouleverser les organisations en cours mais les adapter à la situation pour qu’elles restent efficaces. À l’inverse, cela compromettrait l’efficacité à la sortie de la crise.
Le manager doit voir loin et préparer la reprise, alors que tout l’incite à gérer d’abord, voire seulement, la crise.
Ainsi, le manager, outre la gestion de la situation transitoire, doit voir loin et préparer cette reprise, en travaillant d’emblée sur le retour à la situation normale alors que tout l’incite à gérer d’abord, voire seulement, la crise.
Personne ne sait quand le confinement prendra fin, mais ce qu’on peut déjà considérer comme acquis, c’est que les sollicitations seront importantes : la population, les associations, voudront avoir accès aux prestations municipales dont elles ont été privées trop longtemps. Les élus nouvellement élus, ou réélus, voudront enfin lancer leur mandat et autant que possible rattraper le temps perdu. Les agents voudront prendre les vacances qu’ils n’ont pu consommer. On comprend vite que le manager qui n’aura pas anticipé sur les tâches à réaliser après se trouvera rapidement en difficulté. Il gagnera donc à étudier avec ses agents les missions qu’ils peuvent réaliser en situation contrainte et/ou dégradée, même si cela n’est d’aucune utilité dans l’instant.
Hardis les gars ! Comme dans les meilleurs films de guerre, on ne laissera aucun soldat sur le bord de la route. Un jour prochain, on se retrouvera tous au bureau… pour bosser encore plus, mais avec la satisfaction de prendre ensemble ce café qui n’était pas très bon mais qui pourtant nous manque !
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