Podcast : pourquoi la communication publique doit s'y intéresser
Après la domination de l’image, le son va-t-il faire son grand retour dans le champ médiatique hyperconnecté ? Le podcast, format pourtant ancien, connaît une nouvelle ferveur, promis semble-t-il à un bel avenir. La communication publique doit-elle s’en emparer ?
Par Marc Cervennansky
@Cervasky
L’image règne en maîtresse sur les réseaux sociaux. Elle supplante peu à peu l’écrit. Pour nous exprimer, nous partageons des photos, des vidéos, des emojis. Le succès de Facebook, Instagram, Snapchat est basé sur ces partages de contenus visuels.
La prochaine révolution sera-t-elle celle du son ? Les mêmes GAFA qui ont installé la prédominance de l’image investissent désormais sur la voix : enceintes connectées, assistants vocaux, un nouveau paysage médiatique semble s’installer, grâce notamment aux progrès de l’intelligence artificielle.
Simultanément, les modes de consommation évoluent : nous assistons depuis quelques années à une délinéarisation de la consommation de la télévision et de la radio. Les spectateurs et auditeurs passent des grilles de programme préétablies et imposées à une consommation individualisée, nomade et choisie.
Chacun se constitue ses propres programmes, grâce au téléchargement, au streaming, aux programmes en replay, à la vidéo à la demande… YouTube, Netflix, Deezer, Spotify et autres sont devenus des acteurs majeurs d’écoute et de visualisation de contenus.
Plus d'un internaute sur cinq écoute des émissions en replay ou télécharge des podcasts
L’accélération des débits internet et la généralisation des smartphones contribuent également à la désynchronisation et au nomadisme de la consommation d’images et de sons. Parmi ces nouveaux modes de consultation, un format, pourtant ancien, connaît depuis quelque temps un nouvel engouement : le podcast natif.
De quoi s’agit-il, pour les non-initiés ? Les podcasts sont des fichiers audio numériques que vous pouvez télécharger sur votre ordinateur ou votre smartphone ou écouter directement en ligne, sur des applications dédiées : iTunes, Deezer, Spotify, ou depuis peu Google Podcasts...
Le terme podcast, inventé par le journaliste Ben Hammersley au début des années 2000, est la contraction de « iPod », l’appareil d’Apple, et de « broadcast » (« diffuser » en anglais). En France, c’est la chaîne Arte radio qui a lancé les premiers podcasts natifs en 2002. Le podcast natif se différencie des autres par une production destinée à une diffusion exclusivement en ligne, non retransmise sur l’antenne d’une radio. En France, la dernière-née des plateformes de diffusion est Majelan, présentée comme le Netflix de l’audio, selon son fondateur Mathieu Gallet, l’ancien patron de Radio France.
D’après une étude de Médiamétrie, datée de mars 2019, chaque mois, 96 % des internautes de plus de 15 ans écoutent de l’audio à la demande, et plus d’un sur cinq sélectionne des émissions radio en replay ou télécharge des podcasts.
lls occupent notre temps de cerveau disponible quand les doigts ne sont pas accaparés par l’écran du smartphone.
Pourquoi les podcasts reviennent-ils au goût du jour ? « Ils occupent notre temps de cerveau disponible quand les doigts ne sont pas accaparés par l’écran du smartphone », ironise Philippe Couve, ancien grand reporter à RFI, directeur de Samsa.fr, entreprise qui forme entre autres à la production de podcasts. En conduisant sa voiture, en exécutant des tâches ménagères, allongé dans son canapé avec un casque sur les oreilles, l’écoute de podcast est un temps accordé à des récits, hors du temps, « sans trop de repères spatio-temporels, contrairement à la radio », observe Charlotte Pudlowski, créatrice de la plateforme Louie media.
Les thématiques qui fonctionnent le mieux sont de l’ordre de l’intime et du narratif. La culture, la fiction, la musique et l’histoire sont les quatre thèmes privilégiés actuellement par les auditeurs. « Des histoires qui racontent quelque chose, qui ne sont pas là juste pour l’événement, (...). Mais que, à la fin, il y ait un message ou une morale à tirer comme dans les Fables de La Fontaine ou qui fait réfléchir et qui apprend quelque chose », précisait Charlotte Pudlowski dans un séminaire sur le sujet.
Mais en quoi les podcasts intéressent-ils la communication publique, me demanderez-vous ? Nous sommes loin à priori de nos registres éditoriaux habituels.
Des initiatives, encore confidentielles, existent déjà : la campagne de Santé publique France pour sensibiliser les jeunes sur la question du consentement sexuel. Issy-les-Moulineaux a publié sur Soundcloud une série de podcasts sur les métamorphoses de la ville. En communication interne, le conseil départemental du Val-d’Oise a lancé Fréquence Val-d’Oise pour diffuser de l’information interne, vulgariser ses messages stratégiques, valoriser ses agents, leurs métiers et leur donner la parole.
Dans une période où domine la défiance vis-à-vis des politiques et des institutions, le podcast peut être une manière de se retrouver collectivement en se racontant des choses les uns aux autres. Pour Charlotte Pudlowski, il faut exploiter ce qui est du ressort de l’intime : « Cela m’est arrivé et j’ai envie de le partager. (...) Cela permet de retisser du lien et vraiment d’engager une communauté. » Ou comment rebâtir ce qui a été tenté avec les réseaux sociaux : du lien et de la proximité.
Un outil de communication de plus, penseront certains, qui vient potentiellement s’ajouter à une panoplie de médias pas toujours évidents à maîtriser : site web, réseaux sociaux, vidéos… Certes, mais un outil différenciant, qui permet d’atteindre des cibles différentes, dans une stratégie de communication bien pensée.
Alors, pour toucher des publics pour qui les institutions sont devenues inaudibles, le son est-il l’avenir de la communication publique, de la communication tout court ? Un univers sonore qui reste encore à explorer et à développer.
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Illustration : d’après une photo de Jason Rosewell sur unsplash.com.