Aller au contenu principal

TikTok, Twitch, Discord, Clubhouse : faut-il vraiment y aller ?

Publié le : 19 janvier 2022 à 15:20
Dernière mise à jour : 20 janvier 2022 à 12:26
Par Marc Cervennansky

Le paysage des réseaux sociaux se diversifie et certaines plateformes que l’on regardait de loin semblent progressivement élargir leur audience et installer de nouvelles pratiques. Faut-il vraiment les intégrer dans la panoplie déjà bien fournie de nos leviers de communication digitale ?

Dans les mêmes thématiques :

Avec l’intervention d'Inès Slama, la place des nouveaux réseaux sociaux fut au centre d’un grand débat lors du Forum Cap’Com de Rennes, en décembre 2021. Cofondatrice de Leksi, agence digitale au service de l’intérêt général, et consultante en stratégie digitale, Inès Slama répond ici aux questions des communicants publics posées par Marc Cervennansky, animateur des échanges à Rennes, membre du Comité de pilotage de Cap’Com et responsable du centre web et réseaux sociaux de Bordeaux Métropole.

fcc21GAnvrs

© Julien Mignot / Cap'Com

Marc Cervennansky : Plutôt que de s’interroger sur le fait de savoir s’il faut ajouter Twitch, Snapchat ou TikTok à sa panoplie, avec toute l’angoisse que ça peut générer (comment vais-je y arriver ?), ne vaut-il pas mieux privilégier une autre approche, plus qualitative, et se poser les bonnes questions quant à leur choix et leur utilisation ?

Inès Slama : Il est indispensable de s’interroger avant de se précipiter sur la création d’un énième compte, qui pourrait être contreproductive. Si on inclut YouTube et Dailymotion, on compte environ 24 plateformes sociales créées en dix-huit ans. Heureusement qu’on ne crée pas un nouveau compte chaque fois qu’une nouvelle plateforme fait parler d’elle !

Que l’on soit présent ou non sur ces plateformes, il est essentiel de les observer pour anticiper l’évolution de ces pratiques.

Pour autant, si certaines ont disparu, elles ont presque toutes influencé l'évolution des formats et des pratiques, au point d'être copiées ou rachetées par de plus gros. Par exemple, le concept de « story », qui consiste à raconter une info en quelques images verticales successives, a été inventé par Snapchat en 2013 et rapidement copié par de nombreux réseaux et médias.

Que l’on soit présent ou non sur ces plateformes, il est donc essentiel de les observer pour anticiper l’évolution de ces pratiques. En ce moment, nous accompagnons le département Loire-Atlantique dans la création d’une web app à destination des jeunes de l’Aide sociale à l’enfance. Les sujets présentés sont parfois denses, complexes à expliquer. Pour clarifier l’info, nous nous sommes inspirés des formats « diaporama » d’Instagram et de ce que font certains comptes comme celui d’Hugo décrypte pour découper, simplifier l’information.

M. C. : Et si on veut vraiment se lancer, comment choisir la plateforme sociale pertinente ?

I. S. : Tout va dépendre de la cible que vous recherchez et de l’objectif que vous visez.

  • Si vous souhaitez vous adresser à un public adolescent, il faudra miser sur TikTok dont 38 % des utilisateurs ont entre 13 et 17 ans.
  • Si vous souhaitez plutôt toucher un public de jeunes adultes, Twitch et Discord peuvent être particulièrement intéressants. 55 % des utilisateurs de Twitch ont entre 18 et 34 ans.
  • Concernant Clubhouse, les données sont plus éparses, mais le public y est clairement plus âgé. Le positionnement « sélectif » de la plateforme et ses premiers abonnés « star » ont plutôt attiré un public de professionnels âgés de 40 à 50 ans.

En termes d’objectif, le point commun de toutes ces plateformes est de bousculer les codes d’une communication digitale qui s’est bien lissée et verticalisée au fur et à mesure des années.

Sur TikTok, on partage de courtes vidéos. L’ambiance de la plateforme laisse place à l’humour et l’autodérision. Cela ne veut pas dire que vos contenus doivent nécessairement y être drôles mais qu’une communication très institutionnelle, très léchée et sophistiquée n’y a pas sa place.

Sur Twitch, le format consiste à « streamer » (filmer en direct) et à interagir avec sa communauté. Si la plateforme est majoritairement consacrée aux jeux vidéo (les joueurs se filment en direct et commentent leur partie), on voit émerger de nouveaux formats d’information destinés à ce public de jeunes adultes. Samuel Étienne, journaliste à Franceinfo, partage par exemple sa revue de presse autour d’un café matinal qui recueille entre 45 000 et 60 000 vues (par vidéo). De son côté, la chaîne Arte produit « FAQ », une émission exclusivement dédiée à la plateforme où l’on discute de sujets de société (travail, racisme…) en répondant aux questions des utilisateurs. La condition sine qua non pour investir Twitch est donc d’accepter de se prêter au jeu de la discussion, du direct, de l’expression face caméra. Un dispositif qui nécessite d’accepter le jeu de la transparence et du lâcher-prise.

Sur Discord ou Clubhouse, la place est également à la discussion mais via des dispositifs différents.
Discord ressemble beaucoup à une plateforme comme Teams, Skype ou Slack. On peut y créer des canaux de discussion thématiques et échanger par le texte, l’audio ou la vidéo. Lors du premier confinement, la plateforme a séduit de nombreuses écoles et universités qui y ont vu un moyen gratuit et efficace de garder le lien avec leurs étudiants.
Sur Clubhouse, la discussion se fait exclusivement par la voix. Les utilisateurs s’invitent à des salons de discussion (en direct ou en replay) tandis qu’une personne mène et modère le propos. Si Clubhouse a connu un certain engouement médiatique, le soufflé redescend peu à peu et je constate que les initiatives d’institutions ou de marques sur la plateforme y sont plus rares et plutôt exploratoires. À noter malgré tout : le surinvestissement de certaines marques comme Feed (barres nutritionnelles), qui se targuait en mars dernier d’animer six heures quotidiennes de discussion.

4 questions à se poser, avant d’investir, ou pas, un nouveau média social

  1. Est-ce que la cible à laquelle je m’adresse utilise cette plateforme dans son quotidien ?
  2. Est-ce que cette plateforme m’apporte quelque chose d’inédit que je ne peux pas déjà faire sur mes autres comptes ?
  3. Est-il envisageable de consacrer un peu de temps ou d’argent à l’exploration de cette plateforme ?
  4. Ma présence sur cette plateforme pourrait-elle remplacer l’investissement que je donne à un compte existant mais confidentiel sur Facebook, Twitter ou LinkedIn ?

Si les réponses à ces questions sont positives, c’est que cela mérite de tester cette plateforme à l’occasion d’un temps fort, d’une actualité qui s’y prête.

M. C. : Maîtriser les codes d’un réseau social comme TikTok ne va pas de soi. Quelques personnalités politiques ou collectivités s’y sont essayées, sans toujours convaincre. Avez-vous identifié des exemples inspirants ?

I. S. : Oui, on résume souvent TikTok aux « challenges » en musique ou vidéo parodiques. C’est effectivement la préoccupation majeure des utilisateurs de la plateforme, mais on y découvre aussi des contenus plus sérieux émanant de médias et d’institutions qui proposent des moments de rupture appréciés. Parmi eux, je citerai le compte de Pôle Emploi, qui a débarqué sur TikTok avec ses conseils et mis en place une campagne plutôt inspirante baptisée #MissionEmploi. Le Centre des monuments nationaux propose également des vidéos assez ludiques et pédagogiques qui affichent de bons taux d’engagement.

Inès Slama lors de son intervention au Forum Cap’Com de Rennes en décembre 2021. © Julien Mignot / Cap'Com

M. C : Pour résumer, quel serait le conseil que vous donneriez pour investir un nouveau média social ?

I. S. : Le lancement sur une nouvelle plateforme est un processus qui suscite parfois l’inquiétude en interne et qui est donc procrastiné. Mon conseil serait donc d’éviter de sacraliser les choses en acceptant de déléguer ou de co-construire cette présence sur la plateforme. Déléguer, cela peut se faire en interne en encadrant par exemple une jeune recrue dont le rôle serait de lancer et d’animer votre présence sur la plateforme. C’est notamment ce qu’a fait la ville de Roanne en identifiant de jeunes ambassadeurs chargés d’animer le compte TikTok de l’institution. Co-construire, cela peut se faire en s’associant à des profils déjà influents et pertinents sur la plateforme. Lors du premier confinement, nous avons ainsi conseillé à l’Agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire de s’adresser aux jeunes en collaborant avec eux sur les réseaux sociaux. Le compte de MllexChloé sur TikTok a ainsi permis de sensibiliser plus de 30 000 Ligériennes et Ligériens sur la question des gestes barrières. Cadrer les choses est essentiel mais il faut une part de « laisser-faire » pour innover.

Crédit : montage d'après une photo de Peggy Anke pour Unsplash.

À lire aussi :
TikTok : quand la com échappe à la Com
Lire la suite
Toqués de TikTok en 2020 ?
Lire la suite
Marque employeur : la SNCF recrute sur TikTok
Lire la suite