Une carte de vœux à la nitroglycérine ?
Avec l’an neuf renaît le premier marronnier de la saison, j’ai nommé la carte de vœux, qui est à l’univers des communicants ce qu’un « classico » est au football.
Par Pierre Geistel, ancien chargé de communication de la région Nord-Pas-de-Calais.
Concevoir et concrétiser ce concentré de bonheur et de santé relève d’une performance épuisante, similaire aux prouesses physiques et tactiques des artistes du ballon rond.
Ces hauts faits intellectuels et sportifs ont en commun d’apporter de l’optimisme, voire du rêve. L’attente est forte chez ceux qui guettent la bonne formule des vœux ou un match à la hauteur de leurs espérances.
Sauf que ça ne fonctionne pas toujours ! Il advient qu’un « classico » Real de Madrid – FC Barcelone, ou OM-PSG dans sa version française, s’avère décevant. Et qu’une carte de vœux rate sa cible.
Les uns et les autres bénéficient pourtant d’un engagement total. J’ai vu les communicants suer sang et eau, essorer jusqu’à la dernière goutte de jus de crâne et trouver plus souvent qu’on ne le pense l’idée de génie qui ravit leur élu.
Ça n’a l’air de rien comme ça, une carte de vœux, mais l’affaire devient vite drôlement complexe. Dans les arcanes d’une institution publique, il est coton de jouer les archanges Gabriel, messager divin et donc de la Bonne Année.
Le millésime facilite parfois la quête de ladite idée de génie. Par exemple, pour 2020, c’était facile : il suffisait de souhaiter des masques et du gel hydroalcoolique à profusion…
Oups, fin 2019, la pandémie ne s’imposait pas encore dans nos activités au jour le jour et ne s’infiltrait pas dans nos pensées. Depuis, elle provoque des fractures politiques, économiques et surtout humaines, de l’hôpital jusqu’à la rave party.
La carte de vœux semble du coup bien fragile pour affronter, contourner ou ignorer la pandémie. Peut-elle encore allier formule choc et humour, l’impertinence dans la pertinence ? Son message peut-il encore offrir au poids des mots la légèreté d’un pétillant ?
Bref, communiquer reviendrait-il à jouer avec de la nitroglycérine ? Faut-il créer un Nobel de la carte de vœux ?
D’accord, j’exagère. Il n’est question que de souhaits bienveillants, d’une tradition sympathique, d’une manière de dire à nos concitoyens que l’on pense à eux, même pendant le couvre-feu. Et que l’on continuera à bâtir des châteaux en Espagne puisque nous avons déjà Versailles et la Lanterne.
Comment, enfin, vous souhaiter une bonne année ? Cordialement non, c’est un peu usé au quotidien. De tout cœur alors et surtout, à bientôt, pour communiquer face à face !