Une marque, c’est pour la vie ?
La nouvelle marque du Territoire de l’Ouest, à La Réunion, qui vient d’être présentée, pose une question existentielle, que rarement on ose évoquer : c’est quoi, la durée de vie d’une marque de territoire ? Pour eux, avec malice, la réponse est trouvée : c’est #poulavi.
À l’occasion de la réunion régionale Cap’Com organisée sur le sol réunionnais, Point commun s’est intéressé à une démarche locale de marque territoriale de l'intercommunalité la plus peuplée de l'île en organisant une entrevue avec Julie Blancard, chargée de communication du Territoire de l’Ouest, qui a piloté le changement d’identité de cet établissement public.
Point commun : Avant de parler de pérennité, de durée de vie de la nouvelle identité, pourrait-on déjà parler de ce qui existait déjà ?
Julie Blancard : Notre intercommunalité existe depuis 1983, elle est passée par cinq déclinaisons de son nom et de son logo, tout au long de son histoire. Elle s’est appelée SIVOMR – pour Syndicat intercommunal à vocation multiple de La Réunion –, ensuite CCCO – pour Communauté de communes de la côte ouest –, puis TCO – pour Territoire côte ouest. Le TCO a fêté ses vingt ans l’année dernière avec, en 2016, un changement de logo qui avait été créé avec une orientation : « Cap sur le durable ».
Depuis, l’intercommunalité a acquis de nouvelles compétences en matière d’économie, d’eau, d’assainissement, de gestion des milieux aquatiques et de prévention contre les inondations, sans oublier nos compétences historiques : la gestion des déchets et les transports en commun. Il lui fallait être plus en accord avec les enjeux du territoire.
L’identité se devait de considérer ce territoire d’un seul tenant, pour montrer que l’interco répond aux besoins des 216 000 habitants dans leur quotidien, dans leur vie. Notre président affirme même que le Territoire de l’Ouest, c’est « pour la vie » ; tous les projets qu’on mène et qu’on construit, c’est pour la vie des habitants, des usagers, des différents acteurs et du territoire. Les couleurs du logo d’alors – vert, bleu, jaune, bleu outremer, montagne ou soleil – évoquaient déjà notre environnement et la nature. Pour autant, lorsque l’on parlait du TCO, les gens parlaient instinctivement de la collecte des déchets et des transports, pas plus ; alors que les ambitions du territoire avaient changé, et vont au-delà de ces deux enjeux.
Quel est le tempo d’un logo ? Comment le maintenir en vie sur une longue durée ? C’était toute la réflexion autour de ce changement.
Et nous nous sommes fixé un nouveau défi : coller au territoire de « dans vingt ans » ! Une drôle d’ambition, mais c’est une perspective raisonnable si l’on ne veut pas produire des identités jetables. Donc : quel est le « bon » tempo d’un logo ? Comment le maintenir en vie sur une longue durée ? C’était toute la réflexion autour de ce changement. On voit que la société évolue, et nous, intercommunalité, nous sommes partie prenante à ses côtés : habitants, acteurs, partenaires, les forces vives du territoire. L’idée de se positionner sur une identité évolutive, elle aussi, mais qui garde une forme identifiable, familière, et qui s’inscrit dans la proximité, s’est imposée.
Dans les consciences collectives, tout le monde adhère à l’esprit de l’intercommunalité sur ses compétences historiques, comme nous l’avons vu. Mais comment impulser cette nouvelle dynamique ? Il était nécessaire de retoucher le logo qui était en place depuis peu pour prendre part aux évolutions, les accompagner en actions culturelles, économiques et en plans durables. Et rayonner plus fort ! Cependant « Territoire de l’Ouest » reste une marque, et l’appellation administrative demeure « Territoire d’agglomération de la côte ouest ».
Point commun : Comment avez-vous procédé pour construire cette identité et mieux affirmer le territoire ?
Julie Blancard : Cela remonte à 2021, avec l’élaboration de notre projet de territoire, nommé « L’Ouest de 2040 », avec nos cinq communes membres – La Possession, Le Port, Saint-Paul, Trois-Bassins et Saint-Leu – pour fixer une feuille de route de notre action pour les vingt prochaines années avec des attentes diverses selon les communes. Nous avons pris le temps et nous sommes beaucoup concertés pour trouver un marqueur commun.
Pour la vie de tous les jours, pour améliorer le quotidien des gens, mais aussi pour leur avenir.
Emmanuel Séraphin, président du Territoire de l'Ouest
On s’est aperçus que tous les services aux publics que l’on offrait ensemble, mais aussi cette construction commune d’un espace matériel et immatériel, c’était pour la vie de tous les jours, pour améliorer le quotidien des gens, mais aussi pour leur avenir, comme le remarquait le président, Emmanuel Séraphin. On était donc dans l’univers des idées, mais il manquait la notion de territoire. Le principe de garder le nom, avec une variante et une présence de notre terre (ajout du marron terracotta), cela a fait l’unanimité.
Point commun : Pourquoi finalement avoir retiré le mot « côte » dans la nouvelle appellation ?
Julie Blancard : Pour beaucoup, le mot « côte » faisait référence uniquement au littoral, alors que nos cinq communes s’étalent du littoral vers les hauts. Il y a eu une volonté de sortir de la seule représentation de la bande côtière car nous avons aussi – et beaucoup de vos lecteurs verront de quoi nous parlons – le cirque de Mafate, patrimoine Unesco. On ne peut y accéder qu’à pied, ou en hélicoptère, et il y a 900 habitants qui vivent là-bas. Nous avons également voulu dans cette nouvelle identité garder nos spécificités : le bleu indigo, pour l’économie « bleue », symbole de l’ouverture sur la mer et de nos ports de plaisance de l’Ouest ; le vert foncé, pour signifier la ruralité, les hauts, là où se niche l’âme créole. Nous avons également ajouté la mention « Île de La Réunion ». Pour le moment nous sommes la seule intercommunalité de La Réunion à inclure cette mention dans notre identité. Cela traduit une volonté de travailler sur notre attractivité, mais aussi de prendre en compte le symbole d’ouverture des équipements portuaires se trouvant sur le territoire.
Point commun : Quand et comment allez-vous mettre à flot cette évolution de votre identité visuelle ?
Julie Blancard : La présentation du logotype a eu lieu le 24 août 2023, d’abord pour les agents de notre intercommunalité – qui sont nos premiers ambassadeurs et qui ont pris le relais –, puis c’est sorti dans la presse le lendemain. En ce qui concerne la déclinaison du nouveau logo sur le terrain, cela représente un gros travail qui se fera de façon progressive, sobre et raisonnée. Cette marque sera en quelque sorte une « marque mère » qui doit impulser une dynamique avec l’ensemble des satellites : régies intercommunales d’eau potable, de gestion des ports de plaisance, d’enseignement artistique, sociétés d’économie mixte de transports, sociétés publiques locales d’aménagement, groupements d’intérêt public… Cela se fera par étapes. La marque a été construite avec eux afin que chacun s’y retrouve. Elle montre désormais que « nous sommes ensemble et que l’on fait rayonner le même territoire ensemble ». Ensemble nous mutualisons nos efforts, dans de nombreux domaines, vers un même but. C’est un vrai changement !
On fait un « cari » : quand tout le monde est prêt, on mélange les ingrédients, cela mitonne, et on sent le parfum qui s’en dégage lentement !
Bientôt il faudra que la population puisse mieux prendre conscience de l’ampleur de cette action de coopération intercommunale. L’an prochain, nous aurons avancé sur le déploiement de la marque dans toutes ses formes et pour l’ensemble de nos compétences. Ici, vous savez, on a l’habitude de travailler avec les ingrédients, on fait le « cari » ! Là, une fois qu’on a préparé tous ses ingrédients, on mélange, cela mitonne, et on sent le parfum qui s’en dégage lentement. In fine, le déploiement de cette marque sera une évidence. On note déjà que les institutions jouent très bien le jeu : on nous sigle et on nous nomme déjà correctement « Territoire de l’Ouest ». Il nous faut simplement consolider tout cela.
C’est le fait de travailler ensemble qui va garantir la durabilité, ce qui implique une adaptabilité.
Point commun : Qu’est-ce qui fait que cela sera plus durable ?
Julie Blancard : Aujourd’hui, il faut penser que, pour chaque chose que l’on construit sur le territoire, comme l’Écocité, c’est en concertation avec les institutions, les forces vives et les citoyens. Bref c’est « pour la vie » #poulavi (hashtag lancé en 2023) de ceux qui font et qui vivent ce territoire.
Nous pensons et nous agissons dans une durabilité plus grande que ce qu’on avait fait avant. Ce qui implique une adaptabilité. C’est le fait de travailler ensemble qui va garantir la durabilité. Dans ces conditions, rien n’est acquis. Mais comme nous nous sommes engagés à considérer toutes nos spécificités, et que notre identité visuelle s’est dynamisée, le territoire a montré qu’il sait évoluer, qu’il s’ancre dans la « mutabilité ».