Vis [ma ta sa] vie
Nous vivons une expérience collective, largement commentée. Elle a ses aspects dramatiques. Elle a ses côtés positifs et peut-être également des vertus pédagogiques cachées. Et si nous faisions une expérimentation altruiste ?
Par Youcef Mokhtari.
Pour communiquer efficacement, il faut pouvoir comprendre la réalité de l’autre. Et pour la comprendre, on pourrait être tenté de la vivre. Exemple : être enfermée H 24 à domicile avec le souci des contingences, seulement autorisée à sortir pour faire les courses et encore… avec une permission formelle et sans avoir le droit de rencontrer personne ! Voici la réalité des femmes dans des contrées où elles sont mineures à vie, soumises à la loi des hommes. Eh bien, c’est évident, nous en faisons tous, d’une certaine manière, l’expérience.
Ce confinement nous donne une occasion en or pour connaître le quotidien… des enseignants ! Continuons par eux. Vous savez, ceux qui ont la chance d’être « souvent chez eux et en vacances », certes, mais aussi avec des piles de copies à corriger et de cours à préparer. Et qui vivent ce décalage permanent entre des proches qui veulent jouer et des tâches à répétition dans leur chambre/bureau !
Promotion canapé ?
Et les assignés à résidence ? Avec bracelet électronique. Dites-moi en quoi d’ailleurs il s’agirait là d’une peine aujourd’hui ? Ils sont donc, par extension des conditions, soulagés de la spécificité de leur contrainte. Ou alors nous serions tous à la peine.
Le confinement est-il réellement une punition ? Vaste question. Le canapé, c’est peut-être un signe de promotion !
On peut imaginer alors la souplesse – ainsi que les servitudes – des consultants, vous savez, ceux qui nous apportent régulièrement une expertise bien ordonnée, et qui, souvent, travaillent à domicile (entre deux déplacements) et enchaînent les rendez-vous téléphoniques depuis leur salon, balcon ou cuisine (il faut varier l’acoustique). Champions du télétravail ? Non, leur travail est là où ils sont. Ils ont coupé les ponts avec le bureau et ils en sont souvent satisfaits.
Vous aimez le confinement ? Vous voudriez continuer à vivre et travailler au même endroit ? Vous vous êtes posé la question. Et ce n’est pas anodin. Vous êtes tout simplement victime du syndrome Loft Story.
Le syndrome Loft Story
Eh oui, Loana et ses amis étaient des confinés avant l’heure et les épisodes des « Anges de la téléréalité » étaient des tutos envoyés par le Très-Haut pour nous apprendre à surmonter Covid-19 !
Océane, El Himer, Benjamin, Samat, Maeva… que font les Marseillais pendant le confinement ? Eh bien ils vivent une crise grave, car ils avaient pour seule qualité d’avoir accepté un confinement strict. Et maintenant toute la France le vit, et cela devient banal. Out les lofteurs, welcome les fêlés de la contamination ! C’est nous les plus forts à ce jeu-là. Et si vous en doutez, regardons ensemble ce que sont ces règles du jeu :
- on entre dans un appart, enfermés jusqu’à nouvel ordre ;
- une voix nous dicte les règles à suivre (celle du premier ministre ou du président, en l’occurrence) ;
- on est, pour la plupart, confrontés à la promiscuité et nous ne tardons pas à bâtir des intrigues basées sur la vaisselle, les draps, les bruits ;
- nous passons régulièrement devant la caméra, dans un coin à l’écart, pour parler à quelqu’un de l’extérieur et se confier sur les conditions de vie au loft… c’est le confessionnal !
Bref, nous sommes dans une immense émission de téléréalité, faites coucou à la caméra !
Nous sommes Charline
Alors, résumons : nous vivons une expérience formidable qui nous permettra de mieux comprendre nos contemporains par une sorte d’épisode géant de l’émission « Vis ma vie » de TF1. Nous y sommes Charline, un ange de la téléréalité, professeure et enfermée par la loi des hommes (et de Dieu, mais c’est pareil).
Si après cela, on ne vit pas une révolution culturelle par fraternisation universelle !