Vite, un communicament !
Pas besoin de test pour connaître l’état de santé moral général. Les communicants publics le savent bien, il va falloir trouver autre chose que des pansemots.
Alors que l’on replonge joyeusement dans la saison deux du feuilleton Covid, les communicants publics peuvent se questionner avec inquiétude : alors on repart en mode com de crise ? le doigt sur la couture du masque ? Mais chacun pour soi cette fois-ci, dans son territoire : ici les tests salivaires, là on en bave avec les clusters, ailleurs, on confine pas, mais on devient rouge foncé carmin écarlate. On est reparti pour les messages de santé bordés, précis, fléchés, rectilignes et courts ! On prépare déjà les photos de groupe avec masques pour soutenir, ou valoriser. On s’apprête à modérer beaucoup de commentaires fielleux et désagréables sur les réseaux sociaux (on ne le dit pas, mais il y en a eu des tonnes pendant la première saison). Allez, on relance les visios ? Sérieux ? Y en a qui ne sont même pas revenus du télétravail ! Ils vont avoir une sacrée surprise sur leur écran ; coucou, revoilà l’équipe !
Un remède contre la morosité
Heureusement, lors de la remise des Hashtags le 25 septembre dernier, la distinction spéciale, en or, qui fut attribuée à #remedecontrelamorosite, nous a rappelé que la communication publique était utile bien au-delà de l’information sanitaire et sociale. Quel beau résumé, au final, que cette initiative. On pourrait même la disséquer façon médicale. Le choix du mot remède est extraordinaire. Dans cette période où le monde cherchait la parade, le médicament, la com, elle, s'est paré d’un remède, une réponse en mot à maux. Glissement dans le champ lexical et dans la représentation collective. Pas de miracle, mais on remédie à la morosité ambiante. Autre choix intéressant : la morosité. Pas la déprime ou la dépression, le marasme, la déflation… Non, un mot rare, précieux dans la description clinique d’une grisaille générale. La morosité attaque le moral. La morosité est un état de l’âme. Et la combattre est un objectif atteignable pour la com. La création de ce hashtag est un formidable résumé d’une des fonctions premières de la communication publique locale. Quatre mots qui pèsent autant qu’une thèse de quatre cents pages sur le sujet. Bravo !
Les communicants mettent en mouvement
On peut aller la chercher loin, cette fonction de la communication publique. Car au-delà de la com de l’institution et de ses actions, il y a bien longtemps que la société s’est donné les moyens d’animer l’espace public local, de promouvoir les initiatives, de soigner ce que les Latins n’appelaient pas « le vivre ensemble » (la chance qu’ils avaient !). Moins loin de nous, on trouve un magnifique exemple du rôle de la parole publique dans la cité en proie à l’anxiété avec le sereno, tradition espagnole, mais qui exista également en France à l’époque médiévale.
Rappelons tout d’abord que vivre à plusieurs milliers, en promiscuité, c’est hyper flippant, favorisant les peurs, les angoisses, la méfiance. La formation d’une cité, c’est, de la part de ses habitants, l’acceptation de la mise en commun de leur espace de vie, avec tout ce que cela génère d’anxiété. La ville n’est pas rassurante par nature. Elle le devient avec des efforts. Quand la société urbaine définit justement des rites urbains (des fêtes, des cérémonies, des repères), elle organise, planifie, orchestre et aide à canaliser cette angoisse.
À sa manière, le sereno luttait contre le sentiment d’insécurité par la communication. Ce veilleur de nuit parcourait les rues des villes espagnoles en criant « las tres en puntos y sereno » (« il est trois heures pile et tout est calme, ou serein ! »). Message informatif, certes, mais parole publique qui berce, rassure, détend. On peut même parier que c’était moins les paroles que le son de sa voix qui faisait effet. Accompagner, finalement, c’est moins une question de fond que de forme. Avec ses remèdes contre la morosité en temps de confinement, la com publique a investi tous les champs, culturels, sociaux, solidaires, moins pour démontrer quelque chose que pour pousser de la vie dans les tuyaux numériques.
Alors, allons-y : « Oyez, oyez, on est en octobre et la vie continue ! »