Vive la pensée unique dans le Web !
Est-ce que l’usager, interne ou externe, attend des sites internet ou intranet qu’ils soient différents, originaux, ultra-perfectionnés ? Il veut surtout aujourd’hui des solutions rapides, simples, intuitives… même si ce sont sensiblement les mêmes d’une collectivité à l’autre. Alors pourquoi ne pas lui donner satisfaction, surtout si ça peut coûter moins cher ?
Par Yann-Yves Biffe.
Depuis une bonne dizaine d’années qu’Internet offre une flexibilité et des possibilités techniques très étendues, les concepteurs et designers web n’ont cessé de nous vendre des personnalisations de plus en plus poussées, répondant à l’affirmation de l’individu en phase avec la société de consommation. Celle-ci s’incarnant dans des slogans célèbres tels que : « N’imitez pas, innovez » (Hugo Boss) ou « Think different » (Pepsi).
Tout est devenu personnalisable, pour créer le site permettant de refléter l’image spécifique de l’organisation et d’utiliser toutes les fonctionnalités souhaitées. L’avantage est indéniable et incarner une identité propre nourrit l’image de la collectivité et la satisfaction des élus. Cela ne va pas sans quelques inconvénients trop souvent passés sous silence, parmi lesquels les difficultés de mise au point, les nombreuses validations à obtenir, et en corollaire l’allongement des délais et le gonflement des prix pour réinventer l’eau chaude.
Surtout, il faut souvent une formation conséquente pour maîtriser les arcanes du back office, limitant la participation à quelques contributeurs réguliers, les autres oubliant rapidement la marche à suivre par manque de pratique.
Ça donne à réinterroger la personnalisation à outrance en s’inspirant des réseaux sociaux
Sans le dire, les réseaux sociaux ont ouvert une autre voie, celle du « c’est comme ça » et du « pareil pour tout le monde » !
Facebook, Twitter se sont développés avec une proposition minimaliste : un fond bleu ou blanc basique, une police de caractères droite, les photos toujours au même endroit… Bref, tout ce qu’il y a de plus simple. Pas d’originalité, pas de fantaisie, plat unique pour tout le monde (et sans sauce) ! Tu tapes ton texte. Une seule police. Pas de mise en forme. Tu veux autre chose ? Ça sera ailleurs, à prendre ou à laisser.
Et… ça marche ! L’internaute a beau avoir le choix entre rien et rien, il ne s’en plaint pas et utilise le vecteur pour passer son message en se concentrant sur celui-ci (bon, OK, parfois, en plus de manquer de forme, ça manque aussi de fond, mais c’est la part de liberté laissée à l’utilisateur…). C’est très standardisé, communautariste et un brin communiste (tout le monde habillé pareil) voire totalitaire, mais qui s’en est plaint depuis plus de dix ans que Facebook a envahi le Web mondial ?
Force est de constater que cette vision mono et mini-lithique a fait des émules. Les applications ont enfoncé le clou. Parce qu’elles sont centrées sur l’usage avant l’esthétique, parce que le design épuré peut être beau, parce que sur un petit écran de tablette et surtout de smartphone, il faut être efficace.
Ainsi, les applications qui marchent ont été développées sur ce modèle : Airbnb, BlaBlaCar et tant d’autres moins connues sont dans ce cas. Et si c’était l’exemple à suivre ou a minima une belle source d’inspiration ?
Ça donne à repenser et faire converger les sites web
Faire dépouillé, mais pourquoi ? Pour qui, plutôt ! C’est rien moins que le fait de pousser au maximum le concept du user experience (UX), ou en français le fait de penser la solution informatique en privilégiant la façon dont l’utilisateur va s’en emparer, de la rendre la plus simple, la plus fluide, la plus pratique, pour que l'internaute l'utilise tellement facilement qu’il en redemande.
Et si on conçoit un site à partir de la façon la plus intuitive de l’utiliser, alors fatalement, les sites répondant au même usage vont se ressembler de plus en plus, car l’utilisation optimale d’un site sera sensiblement la même d’une collectivité à l’autre. Ils vont se ressembler d’autant plus que le site se concentrera sur le service ou l’information à apporter, s’allégeant des fioritures qui ralentissent le débit et l’utilisateur.
On peut ainsi en venir à faire des sites qui seront… les mêmes, déclinés d’une collectivité à l’autre. Bien sûr, les préférences sont différentes d’un utilisateur à l’autre, Untel aurait mieux vu telle ressource dans telle rubrique… Mais si on part du fait que la place de telle information est une donnée fixe par convention, alors il n’y a plus de question à poser et tout le monde s’adapte… comme sur Facebook. C’est un peu directif, soit, mais tout le monde y gagne en efficacité. Dans une voiture, on ne remet pas en cause la place du volant et du levier de vitesse.
Du coup, plus besoin de développer de fonctionnalités spécifiques et compliquées. Le développement des 80 % de base sera amorti rapidement et les autres sites, sur le même modèle, auront un coût de revient très réduit.
Ça donne à penser low cost et solutions partagées pour les sites de collectivités
Il n’y a pas de honte à faire du low cost. Le low cost, c’est une façon de repenser un marché en le recentrant sur les fonctionnalités de base attendues par le consommateur tout en couplant la refonte du produit à une baisse de son prix de revient grâce à une standardisation et une optimisation de la production.
McDonald est né ainsi pendant la crise de 1929 pour proposer un repas complet (fonctionnalité de base assurée) à un prix inférieur à celui pratiqué par le marché jusqu’alors, grâce à une mise en œuvre simplifiée.
C’est la démarche que le syndicat départemental informatique e-Collectivités Vendée a appliqué pour la fourniture de sites internet simples aux petites collectivités du département.
C’est la démarche que la ville des Sables-d’Olonne a poussé un cran plus loin en collaboration avec ce même syndicat pour mettre au point un intranet déclinable. Les besoins recensés via des entretiens avec des groupes d’agents ont recoupé ceux mis en avant dans l’étude menée par Cap’Com et présentée aux 10es Rencontres de la communication interne le 20 mars 2017 : à savoir la recherche d’un outil de référence qui mêle l’information, le collaboratif et le social. Car les agents de toutes les collectivités sont tous différents mais ont des besoins communs dans leurs grandes lignes puisqu’ils exercent les mêmes missions.
Nous avons ainsi conçu une solution intranet basée sur un cahier des charges centré sur l’usager interne : rendre l’outil le plus simple, le plus fluide, le plus instinctif possible, afin de lever les obstacles à la participation.
Le cœur du site est constitué d’un fil d’actualité. Ainsi, il suffit d’appuyer sur un bouton sur le côté de la page pour ajouter un article. Pas de back office, tout se fait directement sur le front office… comme sur Facebook. De même pour les commentaires.
Pas de formation : la prise en main est immédiate, la seule consigne est de charger une photo d’illustration et de mettre un titre, dont la mise en forme est prédéfinie.
Pas d’effet graphique « waouh » ou d’animation en home page, le design est volontairement simple voire neutre : c’est le contenu qui est la star. Une barre d’outils en haut rassemble les bases de données et de procédures mises à disposition des agents. Une colonne à droite rassemble les accès aux logiciels métiers et ouvre la porte à des espaces collaboratifs.
Au-delà de la technique, l’administration du site doit être au diapason : pas de modération a priori, les agents sont responsables de leurs écrits, et les DGA et directeurs de service les encouragent à publier des infos sur leurs activités.
Conçue au sein de la ville mais en voyant large, cette solution intranet a été pensée nativement pour intégrer les agents de la communauté d’agglomération, les rédacteurs cliquant sur le public auquel ils veulent s’adresser : agents de la ville, agents de l’agglomération, ou les deux.
Déployée depuis quelques mois, cette solution répond bien aux besoins de la ville des Sables-d’Olonne, et la façon dont les agents s’en sont emparés (progressivement) valide ce concept simplifié accessible sur smartphone.
Il n’y a pas de raisons que d’autres collectivités, vendéennes dans un premier temps, ne s’en emparent pas pour la décliner à l’échelle de leur communauté et/ou de leur commune. Alors certes, elles ne pourront pas dire qu’elles auront un intranet 100 % original, unique, incomparable. Mais il répondra aux attentes de leurs agents et au besoin de communication de leurs managers tout en réglant dès le départ un certain nombre de questions potentiellement paralysantes. Et elles accepteront d’autant plus la standardisation que pour 3 000 euros par an, elles auront du mal à trouver moins cher…
De multiples territoires sont aujourd’hui dans la même dynamique de réunir leurs forces pour développer des outils communs. Si ces syndicats n’oublient pas l’usager dans la mise au point.
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