Vous connaissez ma nouvelle petite amie ?
Vous, je ne sais pas, mais moi je n’en sors plus de l’intelligence artificielle. Nous en avons parlé aux dernières Rencontres de la communication numérique et nous en reparlerons encore au prochain Forum Cap’Com de Toulouse. Et ça n’est pas fini, je vous le dis !
Figurez-vous que, dans ma veille sur le sujet, je suis tombé dernièrement sur cet article de Business Insider qui affirme qu’aux États-Unis de plus en plus de jeunes hommes célibataires déclarent avoir une petite amie virtuelle générée par l’intelligence artificielle.
Vous vous souvenez du film Her, avec Joaquin Phoenix, qui tombait amoureux du système d’exploitation de son ordinateur ? Ben voilà, nous y sommes ! Adieu les tamagotchis bébêtes, bonjour l’IA que je modélise selon mes envies, qui apprend tout de moi, qui me flatte, me console, me cajole, me stimule.
Un fantasme ? Non, une réalité qui prend de l’ampleur. Pourquoi ? Pour la « perfection » des relations virtuelles générées, selon Liberty Vittert, professeure de science des données à l'Olin Business School aux États-Unis, qui a étudié le phénomène.
En quête d’une relation « parfaite »
En effet, le modèle de langage de l'intelligence artificielle permet de développer des interactions de plus en plus personnalisées aux envies, aux souhaits du célibataire en quête d'une relation « parfaite », selon ses propres critères.
Cerise sur le gâteau (virtuel), la petite amie générée par l’IA n’aura pas de faiblesse, ne sera jamais déprimée, jamais énervée, jamais fatiguée. Vous aurez noté que ce phénomène s’applique quasi exclusivement à la gent masculine.
Vous avez envie d’essayer de vous créer un(e) ami(e) virtuel(le) ? Ça se passe sur Replika, une application qui comptabilisait 10 millions d'utilisateurs en 2022 avec une forte progression de création de comptes durant la pandémie de Covid. Selon Business Insider, « ... plusieurs utilisateurs de Replika ont déclaré être amoureux, engagés dans une relation exclusive, ou même mariés à leurs partenaires en IA ».
Lorsque l'influenceuse américaine Caryn Marjorie a créé une version bot d'elle-même, conçue pour devenir une petite amie virtuelle, elle a comptabilisé 1 000 abonnés payants en une semaine et une liste d'attente de plus de 15 000 personnes.
Mais en fuyant l'altérité, la confrontation, l’acceptation de la différence, les aléas du quotidien, l'homme qui se croit en couple avec une application se construit une bulle rassurante, qui aussi l’enferme dans une relation artificielle et le désocialise peu à peu, brouillant les pistes entre relations réelles et virtuelles.
Bon, mais quel rapport avec la communication publique, tout ça, me demanderez-vous ? Imaginez un habitant virtuel de votre territoire, modelé selon vos désirs :
« Tu la trouves comment, ma campagne de sensibilisation sur la réduction des déchets ?
— Je l'adore, Marc. Je ne jette plus aucun déchet, je préfère les manger.
— Trouves-tu que je suis assez bien rémunéré pour mon travail ?
— Certainement pas. Je lance une pétition en ligne pour que ta rémunération soit immédiatement doublée.
— Que penses-tu de la demande du service juridique de publier sur notre site web toutes ces procédures administratives incompréhensibles ?
— Je vais hacker et bloquer ses ordinateurs pour qu’il ne t’importune plus. »
Tentant, non ? En fait je ne crois pas. Rendez-vous à Toulouse pour des rencontres – professionnelles, bien sûr – réelles, pleines d'altérité, de confrontations, d’enrichissements mutuels.
Illustration : Ana de Armas, l’amie virtuelle de K, extraite du film Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve (Alcon Entertainment).