What’s now : la touche en plus du journalisme de solutions
Si le journalisme de solutions, né aux États-Unis, a été investi par la presse régionale, il est encore expérimental pour la presse territoriale. D’après Christophe Agnus, les collectivités locales ont tout à gagner dans cette démarche plus engageante et régénératrice du lien entre institutions et citoyens. À condition d’en respecter les exigences.
Jean-Pierre Pernaut annonçant quotidiennement sa rubrique « Au cœur des régions » durant plus de trente ans au JT de 13 heures. Le « Libé des solutions » qui égrène chaque année depuis seize ans « initiatives étonnantes, idées originales, expériences positives, perspectives d'avenir… et part en quête de ce qui marche ». « Carnets de campagne » sur France Inter donne chaque jour la parole est à « celles et ceux qui se relèvent les manches : des initiatives locales, citoyennes, collectives, solidaires, durables. » Le journalisme de solutions existe depuis déjà longtemps sans qu'on y fasse vraiment attention. Depuis vingt ans, il s’est largement répandu à l’initiative de la PQR, mais aussi des blogueurs et de citoyens reporters. Christophe Agnus nous explique ce qu’il peut apporter à la presse territoriale, notamment pour participer à refonder un lien de confiance entre institutions locales et citoyens.
Christophe Agnus, président du jury du 26e Prix de la presse et de l'information territoriales
Christophe Agnus présidera les débats qui mèneront les jurys au palmarès du Prix 2024 de la presse et de l'information territoriales. Vice-président de l’association Reporters d’espoirs, ancien grand reporter et aujourd’hui auteur et éditeur, il portera sans doute une belle part de son attention sur la mise en récit des territoires à travers leurs journaux et magazines. Les portraits d’habitants ou de territoires, dispositifs médias ou stratégies éditoriales innovantes donneront une couleur particulière au palmarès 2024.
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Aux 5 W du journalisme, ajoutons « What’s now »
Pauline Amiel, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication et directrice adjointe de l'école de journalisme de l'université d'Aix-Marseille, rappelle, en intervention au Forum de la communication publique de Toulouse, que « le journalisme de solutions est né aux États-Unis de l’envie d’une alternative à la vision souvent pessimiste et catastrophiste des médias ».
Christophe Agnus précise : « Aux 5 W du journalisme (What, Why, Who, When et Where), on ajoute “What’s now” : qu’est-ce qu’on peut faire maintenant. »
Le journalisme de solutions n'est pas un journalisme de bonnes nouvelles.
Christophe Agnus poursuit : « Les médias, indispensables à l'exercice démocratique, ne doivent pas se contenter de constats d'échec ni même décréter les actions à mener. Ce n'est pas un journalisme de bonnes nouvelles. C'est un journalisme qui propose des solutions et donne envie aux citoyens d'agir ensemble. Le journalisme de solutions a une vertu formidable : il engage encore plus les lecteurs que toute autre forme de journalisme. » Au lieu d’imposer un constat d’échec au lecteur, il lui fait reconnaître qu’il peut agir à son échelle et participer à la construction de nouveaux modèles de société.
Exposer les solutions, toutes les solutions
Le journalisme de solutions n’échappe pas à l’exigence journalistique, et en premier lieu au pluralisme. L’auteur ne peut que rarement se contenter de voies uniques. Il prendra le temps d’exposer des idées issues de tous les milieux : initiatives individuelles, privées, publiques, citoyennes, associatives.
Christophe Agnus poursuit : « Tous les formats se prêtent à l’exercice : interview, reportage, enquête, portrait, récit. Et pour tous les enjeux du quotidien : environnement, lien social, économie… »
Pauline Amiel et Christophe Agnus sont intervenus en atelier au Forum de la communication publique de Toulouse en décembre 2023. La salle était comble : nul doute que le journalisme de solutions intéresse les communicants publics.
Encourager une vision constructive de l’actualité
Par le journalisme de solutions, les collectivités montrent qu’elles sont parfaitement en phase avec le réel.
Les collectivités territoriales ont évidemment un rôle important à jouer dans ces nouveaux imaginaires sociétaux. Car elles agissent en proximité et s'adressent de façon très régulière aux habitants et usagers. Car il est aussi de leur devoir de communiquer de manière transparente et avec humilité sur les efforts et difficultés à mener les changements, ou sur les acteurs – autres qu'elles-mêmes – du changement.
Et le bénéfice est certain, détaille Christophe Agnus : « À Reporters d'espoir, on a fait un test sur plusieurs papiers. On a posté d'un côté un article en s'arrêtant au problème. De l'autre, on a intégré les solutions, et on a fait ce qu'on appelle de l'“AB testing”. Le second article a été partagé 2,6 fois plus que le premier. »
Si la promesse est belle – restaurer le lien de confiance entre institutions publiques et habitants –, elle est exigeante : il faut prendre le temps d'être sur le terrain, de connaître ses acteurs locaux, de les écouter, de donner la parole à tous. Et puis se former, évidemment. Reporters d’espoir et l’EJCAM proposent un mooc – gratuit –, « Le mooc européen du journalisme de solutions », dont la prochaine session commence dans quelques jours.
Alors, êtes-vous prêt à poser les premières pierres de votre information constructive ?