Covid-19, ce que nous disent les communicants publics mobilisés
« Nous sommes passés des municipales à la crise sanitaire sans sas de décompression. » Réorganisés pour tenir compte du confinement imposé par le coronavirus, les services communication sont sur le pied de guerre. Et les communicants publics sont fortement sollicités pour faire face à la crise. Écoutons leurs témoignages et leurs demandes de partage de pratiques.
C’est la guerre et, en bons fantassins, les communicants publics montent au front. Le virus s’est abattu sur le pays et si la communication gouvernementale est sur la brèche, c’est aussi le cas des communicants publics des collectivités locales. « Nos missions sont importantes et essentielles pour nos habitants actuellement. On fait le lien entre eux, les directions impactées, les élus et on prend encore plus conscience de notre rôle de trait d’union », observe Anne Constancio, directrice de la communication de la communauté d’agglomération et de la ville d’Haguenau. « Notre rôle est d’apporter une information claire et précise aux citoyens sur leur quotidien. Ils ont besoin d’être rassurés, nous devons apaiser les tensions », renchérit Benoît Nayrac, dircom de la ville et de la métropole de Troyes.
La priorité des communicants publics est aujourd'hui de s'adapter et d'assurer la continuité du service public. Et ils sont mobilisés. Mais le défi n’est pas simple, comme le révèle l’intensité des échanges entre eux, notamment via le réseau Cap’Com qui n’a jamais été aussi actif en ligne. « Comme dans toutes les situations de crise, et celle-ci est inédite et ne bénéficie d’aucun process opérationnel », note Philippe Debondue, dircom de la ville de Nîmes.
Dans cette période où les communicants publics sont fortement sollicités sur tous les fronts internes et externes, nous mettons à votre disposition les moyens pour vous permettre d’échanger, de partager et de continuer à vous informer et apprendre :
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Organisées en télétravail, nos équipes communication font preuve d’une capacité d’adaptation exceptionnelle.
La priorité, bien évidemment, a été d’organiser les équipes communication en tenant compte des mesures de confinement, mais aussi de maintenir la relation indispensable avec les agents et avec les habitants. En quelques heures, les équipes communication se sont installées en télétravail. Une mise en œuvre forcée et très rapide qui révèle une capacité d’adaptation souvent sous-estimée.
La pression montait déjà avant que les mesures de confinement soient décidées et de nombreux services communication s’étaient préparés peu à peu à cette idée. « Nous avons travaillé notre plan de continuité d’activité, qui n’était pas à jour, reconnaît Anne Prémel, dircom de Metz Métropole, et dès l’annonce de la fermeture des écoles, j’ai décidé de l’appliquer. Lundi, quand j’ai dû mettre toute l’équipe en télétravail et fermer la reprographie, un sentiment d’angoisse nous a tous saisis. Nous avons heureusement ouvert un groupe WhatsApp pour communiquer entre nous, prendre des nouvelles et pour pouvoir travailler ensemble. Il fonctionne très bien et nous échangeons plusieurs fois par jour. »
Même situation à Annecy, annonce Véronique Bonnard, dircom de l’agglomération. « À la communication, nous sommes tous en télétravail. Les liens sont maintenus avec les collègues par mail, par téléphone. Nous avons tous transféré nos lignes fixes sur nos portables, portables personnels parfois… Dans certains cas, des groupes WhatsApp ont été créés. Des solutions de visio vont également se mettre en place. Nous limitons les réunions au plus strict minimum. » A epernay, raconte Séverine Adam, dircom, "Nous sommes tous en confinement au sein de la direction de la communication, ville comme Agglo. Donc travail à distance, avec tous les outils qui peuvent nous servir : vives les groupes WhatsApp, Teams, mails, téléphone...On a fait au mieux car certains n'ont même pas pu revenir entre l'annonce du Président et le confinement le lendemain à midi». Situation similaire à Troyes où, depuis lundi matin, le fonctionnement se fait en « mode dégradé » via le télétravail, même pour son dircom. À Dijon, Marc Farré, dircom, explique que l'ensemble de l’équipe a été confiné à domicile avec la possibilité éventuelle d'une permanence physique pour pouvoir réaliser notamment des messages vidéo pour leurs actions de communication numérique. Et à Haguenau, le principe est que toute l’équipe communication travaille chez soi avec seulement chaque jour un agent « en astreinte » et qui se tient prêt à venir en mairie avec le dircom en cas de nécessité.
L’astreinte, c’est aussi de participer à la cellule de crise quotidienne. C'est ici que se fait le lien avec les autres équipes de la collectivité. « Le Plan de sauvegarde communal a été activé avec la mise en place quotidienne de réunions de la cellule de crise au sein du Poste de commandement communal », explique Philippe Debondue. Et souvent, comme à Dijon, un point quotidien avec les services de l'État et les organismes de santé est en place et la ville y participe en ligne et fait redescendre les informations à la communication. La crise oblige à une coordination entre les communications publiques du territoire, préfecture et ARS. Mais aussi entre les services com des villes et de l’intercommunalité.
Côté positif, remarque pleine d’optimisme Sophie Quéran, « à Bondy, sur le plan professionnel, notre équipe se forme aux outils de reporting, aux tutoriels divers que je leur demande de rédiger pour leurs collègues susceptibles de prendre le relais, à la formalisation, à l'écrit des process, à l'identification de l'utile et de l'accessoire ».
Toute la communication doit immédiatement s'adapter
« À mesure exceptionnelle, communication exceptionnelle », annonce Gwennole Oréal, chargé de communication à la ville d’Ergué-Gabéric. Et en effet, c’est toute la communication des collectivités qui doit s‘adapter dans l’instant, sous la pression autant des habitants et des agents que du DGS et des élus.
Premier objectif : l’interne. « La priorité est surtout de maintenir du lien social avec les collègues », reconnaît Claude Harter, responsable de la communication interne de la ville et de l’Eurométropole de Strasbourg. Par exemple à La Roche-sur-Yon, toutes les consignes pour le travail à distance ont été données immédiatement et Skype a été déployé sur tous les ordinateurs portables, confirme Cora Barbarit, responsable communication interne de la ville.
Nos objectifs : maintenir le lien social avec les agents comme avec les habitants.
Second objectif : les habitants. Le premier temps fut celui d’une large communication sur les gestes barrières. Mais maintenant, reconnaît Philippe Debondue, « nous sommes désormais dans le fonctionnement opérationnel pour la poursuite des missions essentielles à la vie quotidienne (nettoyage, sécurité, accueil et lien avec les populations fragiles … ». « Hier on a été dans de l’info d’urgence : quelle organisation des services municipaux ? Ce qui reste ouvert et à quelles conditions ? Ce qui est fermé ? », poursuit le dircom de Troyes. « Aujourd’hui, on vient compléter, avec de nouvelles initiatives notamment solidaires, avec des infos qui rassurent. » Et dans toutes les collectivités locales, les directions de la communication sont mobilisées pour tenir la population informée des décisions en application des directives de l’État, mais aussi pour communiquer sur les actions conduites de la propre initiative des collectivités, notamment en soutien aux habitants les plus vulnérables. À Dijon, la communication incite fortement les concitoyens à prendre soin d'eux. C'est son premier message. Pour le reste, elle rassure, informe sur comment tel ou tel service est maintenu et commence à mettre en place une communication régulière pour aider les habitants à passer le mieux possible cette période. « Nous relayons les consignes de l'État, relate Marc Farré, mais à Dijon nous restons maîtres de notre propre communication. Nous avons par exemple mis en place, et donc communiqué dessus, un numéro vert pour toutes les questions concernant l'organisation des services publics. » Une communication dijonnaise s’appuyant sur un poste central connecté qui regroupe tous les services qui interviennent sur l'espace public, ce qui facilite bien la coordination et la transmission des informations.
« Et tu fais comment, toi ? »
Dans cette situation, les communicants cherchent à s’entraider. Quelles procédures de télétravail ? Quels logiciels utiliser ? Quelles consignes donner ? Quelles priorités dans cette communication de crise ? Échanges et benchmark sont les bienvenus. Avec un premier constat que les outils sociaux deviennent prépondérants, que les community managers et webmasters – et les DSI – sont particulièrement sollicités. Les outils s’adaptent. Communiqués et points presse prennent d’autres formes, parfois en créant un studio vidéo permanent permettant d’éviter aux journalistes de se déplacer, comme à Troyes. Les idées fusent pour imaginer une communication efficace avec les contraintes actuelles.
Et dans les prochains jours, les échanges sur les outils numériques du réseau des communicants publics vont permettre d’aider chacun dans cette période si particulière. « Nous réfléchissons tous dans nos coins pour voir comment va fonctionner le service public à distance. Là encore, je pense que le réseau peut prendre toute sa place », souhaite Nicolas Nowaczyk, dircom de Cergy. Avec un même objectif pour tous, que résume parfaitement Yann-Yves Biffe, DGA, directeur du pôle proximité de la ville des Sables-d’Olonne : « La transformation éclair de nos services à la population du présentiel au virtuel, la conservation du lien et le feu sacré avec nos managers et agents, même à distance ! » C'est compliqué pour tout le monde, reconnaît Fabrice Villechien, dircom de la ville des Ponts-de-Cé, « mais au moins, pour ceux qui en doutaient, on mesure l'importance de la communication publique dans nos vies quotidiennes ».
« C'est une situation inédite, conclue Séverine Adam, on navigue à vue en faisant tous de son mieux, et il faut savoir garder son calme et prendre du recul. Mais si certains l'avaient oublié, la mission de service public (re)prend tout son sens dans ces moments-là, et on se sent utile, il me semble. Personnellement, oui, c'est difficile, et il va falloir sans doute tenir la distance, mais je suis très fière si, par mon boulot de communicante publique, je peux aider les gens et participer ainsi, à mon niveau, à la solidarité nationale».
Informer les voyageurs et les agents pour assurer le maintien des transports publics
Interview d’Éric Laisne, responsable communication de la STAS, Société de transport urbain de l’agglomération de Saint-Étienne.
Cap’Com : Comment votre organisme de transport public fait-il face à la situation de crise sanitaire ?
Éric Laisne : Comme beaucoup, nous devons faire face à une situation inédite et respecter une double mission : assurer le transport public… dans une situation de confinement national. En cela, notre service marketing a dû respecter les consignes du gouvernement en fermant ses agences commerciales. Mais c’est également un défi pour la communication interne : informer le plus rapidement possible les 700 salariés de l’entreprise des informations sociales, comme les procédures à adapter pour les situations de garde d’enfants, les arrêts maladie ou le chômage partiel, et bien entendu les rappels de protection sanitaire. Des questions qui n’ont pas de réponses immédiates.
Dans cette situation, à la STAS, les supports d’information (intranet local, écrans d’information…) viennent consolider une info qui circule déjà à l’oral grâce aux responsables, chefs d’équipe ou encore responsables d’organisations syndicales. Tous conscients de la situation inédite, nous avons la chance de profiter d’une certaine intelligence – et patience – collective.
C’C : Comment la communication s’est-elle organisée pour continuer l'activité ?
E. L. : La dimension du réseau (46 millions de voyageurs) implique de devoir être réactif pour pouvoir appeler la presse et gérer les contacts avec la métropole et diffuser la communication interne. Cette « astreinte presse » s’accompagne d’outils informatiques (PC portable, smartphone, connexion à distance avec le serveur de l’entreprise…) qui me permettent de travailler n’importe où. Ce dispositif n’est pas exclusif à mon poste : tous les membres de la direction et aujourd’hui les membres de l’encadrement élargi en bénéficient. Ainsi nous avons une réunion de direction tous les matins à distance et travaillons à domicile tant que faire se peut. Un grand merci au passage pour notre service pôle système qui arrive toujours à nous satisfaire.
C’C : Quelles priorités vous êtes-vous fixées dans l’immédiat ?
E. L. : Assurer la mise en sécurité des 700 salariés et essayer de répondre à leurs questions, informer les voyageurs et répondre aux besoins de la métropole qui peut nous solliciter pour des missions spécifiques. Là encore, le service communication est extrêmement dépendant de sources diverses d’information et ne peut absolument rien faire sans la participation des autres services, notamment les RH et notre responsable sécurité environnement.
Merci aux communicants du réseau qui ont contribué à cet article et qui, depuis trois jours, ont commencé à échanger et relater ce moment historique et dramatique que nous vivons : Séverine Adam / Epernay - Cora Barbarit / La Roche-sur-Yon - Pierre Bergmiller / Strasbourg - Thierry Blandino / Bayonne - Yann-Yves Biffe / Les Sables-d’Olonne - Véronique Bonnard / Annecy - Marc Cervennansky / Bordeaux - Anne Constancio / Haguenau - Philippe Debondue / Nîmes - Alain Doudiès - Marc Farré / Dijon - Pierre Geistel - Claude Harter / Strasbourg - Éric Laisne / Saint-Étienne - Benoît Nayrac / Troyes - Nicolas Nowaczyk / Cergy - Gwennole Oréal / Ergué-Gabéric - Anne Prémel / Metz - Sophie Quéran / Bondy - Fabrice Villechien / Les Ponts-de-Cé