Six tips pour communiquer auprès des jeunes askip
Azi, c’est la D pour se faire friendzoner dans le terter. Traduction : engager un dialogue avec les jeunes est une mission subtile pour les communicants publics. Il faut trouver le bon dosage pour être dans les codes, émouvoir une génération apparemment volatile, et relever le défi du non-recours aux droits et services. Sans apporter de recette prétentieuse, retraçons les six passages recommandés pour nouer concrètement le contact avec « les jeunes ».
Illustration de Marc Chalvin, facilitateur graphique.
Un fablab pour produire des lignes de conduite
C’est à l’issue du Lab, l’événement de l’Observatoire de la #compublique numérique en juin 2024, que Cap’Com dressait la liste des six règles pour « mobiliser les 15-25 ans dans un exercice citoyen ». Cap’Com a animé quatre sessions de ce fablab participatif. L’objectif était de produire ensemble des plans d’actions ciblant les jeunes et d’en extraire des lignes de conduite pour adapter les messages et les moyens de communication. Trois cas pratiques étaient proposés au choix à chaque groupe de travail :
- « Le recensement citoyen : comment l’animer tout au long de l’année » ;
- « Recruter de jeunes ambassadeurs du tri pour sa collectivité » ;
- « Mobiliser les jeunes sur son territoire par le service civique ».
Les ateliers ont fait le plein, prouvant la curiosité et l’envie de mettre en commun ses expériences.
« OK pour produire des vidéos virales sur TikTok et Instagram. Mais comment les faire s’abonner à la page de notre collectivité ? Et est-ce une fin en soi ? », « Les jeunes peuvent-ils être sensibles aux métiers du service public ? Comment les faire se sentir concernés ? », « Organiser une soirée sans téléphone pour les mobiliser : est-ce que ça peut les libérer ou les braquer ? ». Voici un échantillon des interrogations sincères partagées en préambule du fablab.
Pour que l'intelligence collective fonctionne, il faut surtout de l’intelligence sociale et émotionnelle.
Marc Thébault
Si les réponses sont loin d’être univoques, il est cependant possible de les éclairer par une succession de jalons à poser dans sa démarche auprès des jeunes. À l'image d'ailleurs de la démarche d'intelligence collective proposée ce soir-là par l'Observatoire de la #compublique numérique. Marc Thébault, en introduction de la soirée, fixait le cap : « C’est cette intelligence qui est le fondement même de notre métier de communication publique. Métier qui met en relation, avant même la maîtrise des outils. » Et de poursuivre : « Les solutions universelles n’existent pas en communication publique. Pour que l'intelligence collective fonctionne, il faut certes de la diversité d’opinions, mais aussi et surtout de l’intelligence sociale et émotionnelle. »
Crédits : Patrice Quillet (photo au centre), Cap'Com (photos à gauche et à droite)
1. Définir la « jeunesse plurielle »
Voilà qui ressemble à une antienne de communication. Mais plus encore lorsqu’il s’agit des jeunes. D’abord parce qu’une politique publique jeune est spécifique. Ensuite parce que l’ensemble des observateurs s’entendent à parler de jeunesse plurielle. Par une étude de grande ampleur menée en 2022, l’Institut Montaigne apporte une réponse très documentée et argumentée des 18-24 ans. Il les répartit en quatre groupes comportementaux, au-delà des segmentations par sexe et genre, capital culturel hérité et origine nationale et religion. On vous les livre ici mais la lecture attentive de cette étude est un passage obligé.
- Les démocrates protestataires représentent 39 % des jeunes ;
- les désengagés représentent 26 % des jeunes ;
- les révoltés représentent 22 % des jeunes ;
- les intégrés transgressifs représentent 13 % des jeunes.
Une fois cette lecture achevée, prenez le temps de définir à qui vous souhaitez parler sur votre territoire : quel âge ont-ils, où habitent-ils, quels lieux fréquentent-ils, comment se déplacent-ils, qui les inspire ?
2. Se refuser à commencer par TikTok et Instagram
Évidemment les deux réseaux sociaux sont incontournables et indétrônés. Les chiffres sont vertigineux et ont gonflé après le Covid : en France en 2023, d'après une étude d'Harris Interactive, 87 % des 15-24 ans ont un compte Instagram, 67 % un compte TikTok. 46 % des 15-24 ans indiquent se rendre toutes les heures sur les réseaux sociaux, principalement pour se détendre et pour discuter avec leurs proches.
Pour le communicant, ces deux réseaux sont aussi un observatoire facilement accessible et une source riche d’inspiration. Et ça tombe bien : cette année, les Hashtags de l’Observatoire de la #compublique numérique sont consacrés à TikTok. Les nommés, meilleurs comptes TikTok des collectivités, ont de quoi inspirer, amuser, illustrer !
Certes ces deux réseaux sociaux s’imposent au communicant. Ils peuvent même faire l’objet de démarches complètes et autonomes. Mais commencer par la vidéo courte, c'est prendre le risque de phagocyter la réflexion et les moyens, et de passer à côté de stratégies bien posées pour nouer un contact réel et de proximité.
3. Bannir le tout-numérique, engager les jeunes dans la cité
On y vient justement. Il s’agissait même d’un prérequis posé aux têtes pensantes du fablab de juin : peut-on imaginer comme contrainte préalable d’engager les jeunes dans la cité ? Ne pas chercher seulement à « toucher » cette cible mais à l’engager, à l’accompagner dans la ville, dans les espaces et services publics, dans le territoire ? Peut-on imaginer qu'il s'agit d'une responsabilité supplémentaire que la communication publique endosse, à la différence d'actions marketing intéressées ?
La voice du service public
Au gré des travaux et réflexions des participants du fablab, les termes « voix » et « voice » sont revenus à maintes reprises. Dans les campagnes imaginées, on reprenait « Fais entendre ta voix », « Choisis ta voice », « Prends la voie du service public ». Une manière de chercher le bon accord entre générations, de mettre l’accent sur la parole, la discussion ?
4. Toujours se demander en quoi c’est utile à l’insertion et l’orientation des jeunes
« Accompagner les jeunesses, c’est une question de fraternité. Et pour que cette fraternité s’exprime, pour que l’orientation de chaque jeune vers la personne qu’il a envie de devenir soit effective, la question de l’orientation ne peut rester la seule responsabilité de l’école. C’est véritablement dans le cadre d’une responsabilité sociétale d’accompagnement des jeunesses que peut s’exprimer cette fraternité. » Ces termes sont issus du Plaidoyer pour des jeunesses confiantes édité par la Fabrique Spinoza au terme de sa vaste et inspirante étude pour « (Re)donner confiance à la jeunesse ».
Il y a une responsabilité sociétale d’accompagnement des jeunesses.
La Fabrique Spinoza
Les collectivités trouveront l’inspiration dans sa lecture car elle confirme que les jeunes sont en demande d’une vie locale qui a du sens et qui leur apporte des réponses dans leur quête de réalisation. Sans compter le rôle direct des collectivités territoriales dans l’orientation des jeunes : un tremplin pour leurs choix professionnels, des droits et aides à l’insertion ou à l’accompagnement de vie, un acteur local partenaire de leurs actions ou projets.
Des ressources inspirantes
Les ressources documentées et détaillées sont nombreuses pour mieux comprendre les 15-25 ans.
- Étude de l’Observatoire Spinoza, « Redonner et faire confiance à la jeunesse » ;
- rapport de l’Institut Montaigne, « Une jeunesse plurielle, enquête auprès des 18-24 ans » ;
- rapport sénatorial d’information Jeunesse et Citoyenneté, « Une culture à réinventer » ;
- Cahiers français n° 434 (Documentation française), « Place aux jeunes » ;
- « Le contrat d'engagement jeune (CEJ). Suivi et évaluation de sa mise en œuvre dans les territoires ».
5. Animer un écosystème partenarial
« Notre parole publique peut-elle être légitime pour les jeunes ? », « Peut-on réussir à désinstitutionnaliser nos messages ? ». Voilà des interrogations légitimes qui sont revenues à plusieurs reprises dans les fablabs. Une réponse peut être trouvée dans les liens de partenariats noués avec d’autres acteurs ou prestataires locaux :
- les établissements scolaires, les missions locales, les associations, les administrations déconcentrées, les entreprises… la liste est infinie ;
- l’événementiel et le hors-média, qui permettent d’aller à la rencontre des jeunes, là où ils ont l’habitude de se rendre ou de se retrouver : les actions dans la rue, les messages par triporteurs, des happenings à la sortie d’un lycée, des « welcome parties » pour les jeunes… ;
- le numérique : sans anticiper sur la sixième étape de cet article, les alliances numériques sont nombreuses et faciles à mettre en place, comme le placement de widgets sur des sites partenaires.
Ces démarches posent plus largement la question de la représentation et de l’incarnation. À qui peut-on déléguer une prise de parole qui permet de mobiliser des jeunes tout en gardant une responsabilité d’institution publique ? C’est exactement la question que devra résoudre le communicant à la recherche du bon influenceur.
6. Investir le numérique, évidemment
Il aura bien fallu parcourir tout ce chemin et se poser moult questions avant de parvenir à cette dernière étape – la plus évidente – et qui vaut une stratégie à part entière. Mais plutôt qu’ouvrir ici une méthodologie complète du numérique à l’intention des jeunes, pourquoi ne pas reparcourir les cinq premières étapes en les appliquant au numérique ? JDCJDR
- Définir la « jeunesse plurielle »
- Se refuser à commencer par TikTok et Instagram
- Bannir le tout-numérique, engager les jeunes dans la cité
- Toujours se demander en quoi c’est utile à l’insertion et l’orientation des jeunes
- Animer un écosystème partenarial